• LA CHUTE DE L'AIGLE NOIR

    La crise mondiale financière/boursière/économique qui s'annonce, liée à la probable récession de l'économie américaine qui résulte elle même de la crise des "subprime", sera elle la dernière ? je me rappelle de ce qu'Alain de Benoist déclarait dans un article du "Monde" au moment de la guerre du Golfe il me semble :

    "L'Occident gagnera toutes les guerres sauf la dernière"

    Mais Alain de Benoist , fondateur et führer de la "Nouvelle Droite" , est un pseudo-penseur aux visées obscurantistes profondément inquiétantes ; j'en profite pour souligner que la critique du monothéisme qui se donne cours ici n'entend aucunement faire l'éloge d'un fumeux paganisme ou neo-paganisme sur le modèkle de la Nouvelle Droite.... le polythéisme ne vaut pas mieux que le monothéisme, et d'ailleurs je m'interroge sur le soutien apporté par la nouvelle droite à Roger Garaudy l'islamiste... il est vrai que le "brun" (la ND ) va bien avec le "vert" (l'Islam) comme on l'a vu dans les années 30-40 , concernant  la collaboration du Grand Mufti de Jérusalem avec Hitler.

    Mais on ne peut refuser à Alain de Benoist (non plus qu'à son grand ennemi Bernard Henri Levy) l'art de la formule. Qu'on le veuille ou non, l'époque est à l'Apocalypse (c'est à dire au rêve d'une vérité dernière sur l'humanité avant que celel ci quitte la scène) et à la "fin des Temps".

    H G Wells avait en 1908 écrit un fameux roman , "La guerre dans les airs", où il prévoyait pas mal de conséquences funestes du progrès technique dans les armements, notamment celui de l'aviation : il annoncait une guerre mondiale où l'Allemagne s'opposerait aux puissances anglo-saxonnes (USA, Angleterre), aux côtés du Japon (et le livre avait prévu les opérations kamikaze), une guerre durant 5 ans suivie d'un effondrement de la civilisation "moderne scientifique occidentale" suite à un arrêt brutal de l'économie mondiale à cause de l'impossibilité des échanges, puis d'une panique, de guerres civiles et d'épidémies meurtrières(de peste en particulier).

    Le livre est facilement accessible (Ed folio poche ), mais voici quelques passages saisissants tirés de l'avant dernier chpitre intitulé : "L'effondrement".

    "L'édifice entier de la civilisation se lézardait, croulait et s'anéantissait dans la fournaise de la guerre.

    Les phases de l'effondrement universel où sombra la civilisation scientifique et financière du XX ème siècle se succédèrent très rapidement, si rapidement que sur le raccourci de l'Histoire elles paraissaient se chevaucher...

    Quand d'un coup d'oeil rétrospectif l'observateur réfléchit sur l'activité intellectuelle de cette époque abolie, le trait le plus singulier est cette hallucination de sécurité. Rien ne parait à présent si précaire que l'ordre social dont se contentèrent les hommes du 20 ème siècle...ce n'était pas tant une confiance raisonnée que l'inévitable conséquence du succès persistant (depuis 3 siècles)..."

    Ici on doit noter une différence dans la réalité qui est la nôtre : il y a longtemps que l'humanité ne croit plus au progrès, se défie de l'avenir (avec raison !) et se réfugie dans l'irrationnel du mythe et des croyances.

    Cette différence, bien sûr, en recouvre une autre, qui est de taille : dans la réalité, il y a eu deux guerres mondiales, et l'humanité s'en est relevée, et a poursuivi après 1945, à un rythme accéléré de manière fantastique, son progrès technique et scientifique.

    Mais est ce si sûr ? j'entends par là : le scénario imaginé par Wells d'un effondrement subit de la civilisation doit il être mis hors jeu définitivement ?

    Je ne le pense pas ! déjà au début des années 60, dans le livre bien connu "Le matin des magiciens", Pauwels et Bergier signalaient l'extrême fragilité , dûe à sa complexité même, de la civilisation moderne, démocratique et "scientifique".

    Le titre et la photo de cet article font allusion à la chute de l'aigle nazi en 1945.

    Mais l'humanité d'après guerre a t'elle vraiment rompu totalement avec l'idéologie nazie ? la victoire des prétendues "démocraties" n'est elle pas une victoire à la Pyrrhus ?

    Le trés beau film récent "La question humaine" interprète la violence (économique) de notre modernité contemporaine mondialisée comme trouvant sa visibilité paradoxale et son intelligibilité dans la "lumière fossile de la Shoah", j'en ai fait le commentaire sur l'ancien blog :

    http://www.blogg.org/blog-64760-billet-la_question_humaine__ou_la_lumiere_fossile_de_la_shoah-664822.html

    Certains commentaires rabbiniques du livre de Daniel interprètent le songe de la statue à la lumière des différents empires se succédant dans l'Histoire, qu'un philosophe comme Hegel analyse comme : monde oriental, grec, romain et germanique. L'époque messianique annoncée par les rabbins succèderait à l'effondrement du dernier empire , germanique selon Hegel, occidentale selon la pensée moderne.

    Plusieurs versets se rapportent à ceci , ainsi dans Jérémie :

    "Même si Babel montait jusqu'au ciel, érigeait dans les hauteurs ses puissantes forteresses, des dévastateurs suscités par moi l'atteindraient, dit YHVH"

    Dussiez vous vous élever comme l'aigle et regarder le soleil face à face, je vous précipiterai dans les profondeurs de l'Abîme, oracle de YHVH.

    Mais le judaïsme doit être interprété comme un athéisme, à la différence des deux faux universalismes issus de lui. Je me réfère ici aux thèses de Misrali, le grand commentateur de Spinoza, selon lequel la qabbalah (l'ésotérisme hébraïque) doit être interprétée dans la dimenson d'une immanence radicale ne laissant aucune place à une quelconque transcendance, voire même à Bernard Henri Lévy qui déclare à la fin du "Testament de Dieu" que "le trait caractéristique de la mentalité de l'homme hébreu est l'inexistence radicale de celui qu'il nomme son Seigneur"

    Le "Messie" ("Masshia'kh") ne viendra jamais dans l'Histoire ; tout "messie" pouvant se présenter est un faux Messie, le dernier exemple célèbre étant celui de Shabbatai Tsevi, qui a provoqué en 1666 une cassure en deux du monde juif.

    Philosophiquement ceci est formulé de manière idoine par Badiou :

    "Il n'y aura pas d' épiphanie de la vérité".

    La vérité, qui est la figure philosophique de "Dieu" se rencontre point par point, pas dans une fulgurance poétique ou prophétique. Ou encore, selon les termes de Brunschvicg : "Dieu se rencontre d'esprit à esprit, non face à face". Je note d'ailleurs que le "Dieu de Moîse" lu dit : "tu ne peux me voir face à face et vivre"...

    Alors Wells ? démenti par les faits ou pas ?

    Pour ma part je terminerai (sans finir) sur les considérations suivantes, en appelant à éviter toute tentative de trouver refuge (face à la panique qui nous guette tous, quiqu'on en dise) dans un "avenir radieux" (sur le mode marxiste ou millénariste) ou un passé primordial vers lequel le Temps nous ramènerait après les "tribulations de l'Apocalypse"; je préfure me situer dans le "présent éternel de la réflexion" thématisé par Marie Anne cochet dans son livre sur la conversion spirituelle selon Brunschvicg, voir :

    http://groups.msn.com/Principiatoposophica/philosophie.msnw?action=get_message&mview=0&ID_Message=18&LastModified=4675655639014156283

    "Seule, l'intégration des moments dans le présent éternel de la réflexion peut poser un avant et un après, un passé et un futur... toute connaissance s'exerce dans un inépuisable aujourd'hui. En lui s'insèrent tous les temps, s'évoquent tous les espaces. Et ces espaces infinis qui faisaient trembler Pascal n'ont point à troubler le jugement de la réflexion. Ce jugement les contient. Ils ne le contiennent pas....

    ce jugement du présent éternel ressemble à un miroir profond où d'innombrables images naissent et se pénètrent mutuellement sans s'effacer jamais mais en se modifiant les unes par les autres par des valeurs nouvelles. Ainsi , réfléchi, conservé, transformé, le mirage fluent des sens et des vies s'instaure en un monde spirituel, s'ordonne et s'unifie. Les intelligences s'y succèdent se développant en lui et le développant à leur tour. C'est dans ce monde spirituel que nous trouvons le spectacle offert à notre propre réflexion"
     
     

    Dans cette optique j'interprète la période de 1945 à nos jours comme une "fin qui se prolonge", dans une lumière "spectrale" ; les trente glorieuses 'de la France, de 1945 à 1975) ne sont à mon avis pas si glorieuses que cela.

    Nous rejoignons donc de cette façon la vision grandiose de Wells, une vision terrifiante aussi, notamment quand il évoque certaines péripéties survenant aux hommes de l'après guerre (dans le roman, pas dans notre réalité) s'aventurant à visiter Londres devenue un désert. A la nuit tombée des spectres de l'époque (victorienne) révolue apparaissent aux yeux du téméraire visiteur, qui ne trouve son salut qu'en se confiant au Dieu de la Bible Mort de rire...ce qui rappelle aussi le final du "Récit du vieux marin" de Coleridge, une des plus grands poèmes de tous les temps. Ce qui rappelle aussi le film récent "Je suis une légende" (New york prenant le place de Londres).

    Alain Finkielkraut déclare que nous sommes entrés dans un processus de décivilisation; je suis de son avis, et la prétendue "politique de civilisation" du tandem Sarkozy-Guaino prend selon moi des allures de sinistre farce.

    Le cinéma voit de plus en plus arriver la détresse absolue qui va fondre sur l'humanité des mois et des années qui viennent, je n'en veux pour témoin que l'excellent film récent de Sidney Lumet "Before the devil knows you're dead" que j'avais aussi commenté :

     http://www.blogg.org/blog-64760-billet-sidney_lumet___7h_58_ce_samedi_la__before_the_devil_knows_you_re_dead_-677706.html

    ainsi que le film qui doit sortir des frères Coen : No country for old men (tout un programme ! Mort de rire).

    mais Holllywood n'offre pas d'issue , s'il annonce le désastre qui vient....

    un soldat US de la campagne normande de 1944 parvenait à supprimer sa peur en se considérant comme "déjà mort".

    C'est un peu ce genre de tactique que je propose pour vivre le "mieux possible" les temps troublés qui nous attendent ; en somme une version simplifiée de la doctrine einsteinienne sur l'irréalité du "temps universel" de Newton et de la physique classique:

    "le temps subjectif avec son "maintenant" ne doit avoir aucune signification objective... pour nous, physiciens "dans l'âme", la séparation entre passé, présent et avenir ne garde que la valeur d'une illusion, si tenace soit elle..."

     


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