• La guerre selon Charlie Wilson (Mike Nichols)

    Ce film est adapté d'une histoire vraie, bien que selon des personnes bien informées il ne prenne quelques libertés avec la réalité (voir les liens qui seront donnés plus loin).

    Charles Wilson (interprété par Tom Hanks) est un obscur député démocrate, amateur d'alcool et de parties fines (il a comme surnom "Good time Charlie") sur lequel une milliardaire texane fantasque, bigote et obsédée par l'idée de croisade anticommuniste, Joanne Herring (interprétée par Julia Roberts) jette son dévolu afin de l'amener à infléchir la politique de l'administration américaine vis à vis de la guere menée par l'URSS en Afghanistan (nous sommes en 1980, c'est le début des années Reagan).

    Emu par une visite des camps de réfugiés, il dépasse les espérances de sa protectrice et arrive au fil des années à créer de toutes pièces ce qui reste la plus grande opération secrète (secret de polichinelle) de la CIA : subventionner et armer les mudjahiddine (qui plus tard deviendront les talibans) et provoquer la déroute de l'armée soviétique, puis la chute de l'empire soviétique et du rideau de fer, la fin du communisme et donc de la guerre froide par le k-o  total des "rouges" et la victoire totale du "monde libre" ...

    La thèse du film est assez extrême et tend à attribuer à Wilson tous les mérites dans cette "mise à mort" du communisme : mais bien sûr nous sommes à Hollywood, il s'agit de jouer sur le registre dde l'incroyable, à savoir l'influence qu'a pu avoir un obscur petit député dans l'évènement géopolitique majeur de la deuxième partie du 20 ème siècle. Il ne faut pas considérer ce film comme un document historique

    Voci quelques liens pour se faire une idée plus juste des choses, permettant de relativiser (du point de vue historique) :

    sur le film  :  http://en.wikipedia.org/wiki/Charlie_Wilson's_War

    sur le "vrai" Charles Wilson : http://en.wikipedia.org/wiki/Charles_Wilson_%28Texas_politician%29

    sur la "vraie" Joanne Herring : http://en.wikipedia.org/wiki/Joanne_Herring

    qui d'ailleurs possède un site dont je conseille à ceux qui apprécient une bonne séance de rigolade le paragraphe consacré à la foi religieuse ("Faith") ...vous y apprendrez notamment qu'il est facile de surfer sur un arc en ciel, il suffit de se persuader qu'on est en train de le faire Mort de rire:dans le film elle amène Wilson à ses fins en couchant avec lui... je me permets d'émettre quelques doutes là dessus.. si c'était vrai cela au moins serait drôle.... mais les croyants, qu'ils soient bigots ou "sauvés par Jésus du désespoir", comme c'est le cas de Bush et comme cela semble être le cas de cette Joanne Herring, sont tout sauf drôles...ce sont des pitres, mais leur pitrerie ne porte pas à rire...

    http://www.joanneherring.com/

    enfin deux liens plus sérieux (à ce qu'il semble ?) pour faire la part des choses sur le plan historique, et notamment à propos de l'influence (culpabilité ?) de la CIA dans la "création" du monstre Al Qaeda-Ben Laden (thème qui n'est pas abordé franchement par le film, mais seulement de manière implicite et suggestive):

    http://www.americanthinker.com/2008/01/whos_war_separating_fact_from.html

    http://usinfo.state.gov/media/Archive/2005/Jan/24-318760.html

    Passons maintenant aux choses sérieuses, du point de vue de ce blog en tout cas, choses qui ont très peu à voir avec le cinéma, même le "bon cinéma", ou avec les réalités historiques ou géopolitiques.

    Au fond, qu'est ce qui reste "dans la tête" de ceux qui ont vu le film ? quelle est, donc, la thèse qu'entend promouvoir le film ?

    Il est clairement suggéré (et  à juste titre, c'est bien la réalité de ce qui s'est passé) que ce sont les religieux, les évangélistes chrétiens américains fanatiques qui ont instrumentalisé le pouvoir politique afin de mener une croisade anticommuniste en armant les mujahhidine afghans.

    Charles Wilson est présenté dans le film comme un personnage très sympathique (ce qu'il est sans doute, encore une fois ce n'est pas cela qui est l'objet de mes propos) qui n'est pas dupe des motivations profondes de ceux qui l'instrumentalisent , et qui essaye de mettre un frein à leurs obsessions religieuses.

    Il prend conscience (grâce à son "complice" de la CIA Gust Avrakotos (interprété par l'extraordinaire Philipp Seymour Hoffman) du danger qu'il y a à armer ainsi des fanatiques islamiques; pour parer à ce danger, il essaye de persuader la commission, après la déroute de l'armée russe, de voter des crédits substantiels pour reconstruire l'Afghanistan, et surtout ouvrir des écoles afin de former toute cette jeunesse qui forme la majorité de la population. Mais peine perdue... il y a maintenant (au début des années 90) d'autres priorités, la guerre du Golfe, l'aide aux pays d'Europe de l'Est, etc..

    au fond, cela revient à dire que : bien sûr, l'Amérique est gangrenée par des fanatiques religieux chrétiens, bien sûr les américains sont incultes en majorité, ignorant l'emplacement de l'Afghanistan, les réalités de l'Islam, etc...

    mais il y a dans les idéaux américains une part "bonne", incarnée par le personnage de Wilson : et si les décideurs politiques l'avaient écouté jusqu'au bout, l'Afghanistan aurait été reconstruit, la démocratie y aurait vu le jour, et l'islamisme aurait été évité. Le monde parfait, en somme !

    Cette thèse n'a qu'un seul inconvénient, c'est qu'elle est fausse !

    Car en admettant même que des crédits très importants aient été votés, une sorte de Plan Marshall pour la région donc, que des écoles "démocratiques" aient vu le jour pour remplacer les madrasas, quel aurait été l'enseignement dispensé ? celui , ultra-relativiste, qui est dispensée depuis 40 ans ou plus aux USA, qui met par exemple sur un pied d'égalité les mythes peaux rouges sur le peuplement des USA à l'époque préhistorique avec les thèses scientifiques.

    Or le relativisme post-moderne "démocratique" et "tolérant" peut tout dissoudre (et il l'a fait, en tout cas en Occident) sauf une chose : l'Islam.

    l'Islam n'est pas soluble dans la démocratie, comme les "belles âmes" chrétiennes , "antiracistes", pour la "liberté de croyance", de gauche, ou "néo-cons" sont en train de l'apprendre depuis 2001, et notamment en Irak.

    L'Islam, c'est en somme comme le "réel" selon Lacan : c'est ce qui résiste....  aux beaux yeux d'Emmanuelle Béart, BHL  ou Arielle Dombasle ....

    L'inconvénient majeur des thèses de ce film, c'est de ne proposer qu'un faux choix, un choix qui ne peut que favoriser (s'il en était encore besoin) le nihilisme occidental profond , la plaie de notre époque : le choix entre le fanatisme religieux (dépeint par nous sous l'étiquette "Dieu d'Abraham") et l'athéisme post moderne, à base de relativisme sceptique et de multiculturalisme "tolérant, universaliste et démocratique"  : réalise toi, c'est tout ce qui compte, tout est vrai donc tout est faux, ce qui seul importe est de réaliser ses désirs en accord avec la loi de tous et les sacro-saints "droits de l'homme", chacun est libre de croire ce qu'il lui plait de croire, et de faire ce qu'il lui plait de faire en accord avec les lois et la libre entreprise...."we are in a free country", "it's a free world"

    et pour le reste "jouissons sans entraves", "boire un petit coup c'est agréable mais il ne faut pas rouler dessous la table" etc..etc.. etc..ad nauseam !

    en somme : ce que Nietzsche (mais Nietzsche est encore trop chrétien à nos yeux, ne serait ce que dans ses vociférations anti-chrétiennes) dépeignait comme le "dernier homme qui sautille sur la Terre trop étroite en clignant de l'oeil"... ou ce que Badiou (mais Badiou est encore trop chrétien à nos yeux, ne serait ce que dans son athéisme) thématise comme le "matérialisme démocratique".

    Or ce sera toujours le Dieu d'Abraham qui gagnera face au relativisme démocratique et multiculturaliste, pour une raison bien simple : la gueule de bois ne donne aucun sens à la vie, la prière cinq fois par jour si  !

    conclusion : concluez vous mêmes !

    et si vous croyez que l'Islam pratiquera la tolérance multiculturelle....

    Tout le sens de notre entreprise, c'est de définir une autre voie pour ceux qui ne veulent pas de ce choix imposé et truqué... une voie qui n'est pas celle du matérialisme dialectique de Badiou...oh pardon, il dit "dialectique matérialiste" .

    On ne sort du besoin de "prier" comme du besoin symmétrique de boire ou de "grimper aux rideaux", que si l'on sort du dilemne entre "la vie ayant un sens" et "la vie où le vide n'est pas comblé" : et cette sortie, qui est "la sortie hors de la religion qui est la sortie de la religion" , ne se fait que si l'on échappe au besoin d'un sens tout fait, donné de l'extérieur, par une autorité d'En Haut, en s'établissant fermement et entièrement dans ce qui donne toute notion de sens ou de non-sens, dans la source de tout jugement donc : l'Intellect.

    C'est ce que nous appelons le "Dieu des philosophes et des savants", qui ne se rencontre pas en "face à face" mais d'esprit à esprit...qui ne se rencontre pas du tout donc, et qui n'intervient en aucun cas dans l'Histoire ou dans l'Espace -Temps.

    Que veut dire, en somme, "faire la volonté de Dieu" ? en aucun cas prier ou obéir à des interdits ou impératifs bizarres , qu'ils soient "moraux", sexuels ou alimentaires... mais simplement : travailler au travail infini de la Raison, dans la science et la philosophie, la philosophie qui n'est autre que la science des sciences, ou encore la Raison réfléchissant sur elle même et prenant conscience d'elle même comme étant "toute réalité" (Hegel), en un acte de connaissance intégrale selon les termes de Léon Brunschvicg.

    En attendant, ils ont gagné, les petits gnômes qui sautillent en clignant de l'oeil et en buvant un coup, par exemple au Fouquet's ou sur le yacht en compagnie de la belle Carla Bruni,  ou bien qui s'agenouillent ou se mettent les fesses en l'air pour prier un "Dieu" transcendant (donc imaginaire) auquel on se "soumet" pour qu'il vous donne la victoire sur "ceux d'en face" qui le prient sous un autre nom (il y a une phrase qui vaut son pesant d'or dans le film, au moment où ils donnent aux Afghans des armes très sophistiquées : "Dieu est de notre côté ! " suivi de "et si un jour il est des deux côtés ?").

    Oui, ils ont gagné, et la Terre est maintenant entièrement soumise au Mal et livrée aux démons, que ceux ci soient de l'Est ou de l'Ouest....


  • Commentaires

    1
    scrat
    Dimanche 3 Mai 2009 à 00:11
    la guerre selon charlie wilson
    bonjour! jai parcouru le texte avec plaisir; mais pourquoi cette conclusion si dichotomique et si pessimiste? entre les "créationnistes" et les "néo-darwinistes" se trouvent une catégorie d'agnostiques référant à la psychanalyse, à la psychosomatique et à l'interraction esprit/matiére; une façon de retrouver l'excellent schopenhauer avec un champ de possible proprement extraordinaire; qu'en pensez vous?
    2
    Lundi 4 Mai 2009 à 10:35
    dichotomique ?
    Bonjour, la dichotomie que vous évoquez était plutôt entre le "dogmatisme" (pour me montrer modéré) islamiste (ou "créationniste" comme vous dites) et l'infâme soupe multiculturaliste/relativiste/hédoniste du prétendu "Occident"... vous avez raison de souligner qu'il existe heureusement plusieurs autres "champs de possible" , même si pour ma part je me méfie de la psychanalyse. Quant à l'excellent Schopenhauer, il a effectivement mis en terre des "semences" qui ont levé ensuite en plusieurs "champs"..et il ne me semble pas agnostique, mais plutôt un idéaliste athée et "gnostique" (certes à mille lieues des diverses mythologies gnosticistes)
    Suivre le flux RSS des commentaires


    Ajouter un commentaire

    Nom / Pseudo :

    E-mail (facultatif) :

    Site Web (facultatif) :

    Commentaire :