• Paul Thomas Anderson : Punch drunk love, There will be blood

    La photo ci dessus est celle de la prostituée japonaise Abe Sada Horreur !, qui en Mai 1936 étrangla son amant Kichizo Ishida, au cours d'un "marathon d'amour", puis l'émascula : elle fut arrêtée plusieurs jours plus tard, portant les "parties intimes" de son amant sur elle.

    Cette photo (qui montre Abe Sada au milieu des inspecteurs de police qui l'interrogèrent suite à son arrestation) est proprement incroyable, on y perçoit nettement le bonheur de cette femme (qui n'a pas tué par jalousie, mais par amour, et aux policiers qui l'interrogèrent parla de son bonheur total, une sorte d'illumination semblable à celle promise par le Zen) et l'admiration-fascination qu'elle suscita dans le public, y compris les policiers et les juges, elle ne fut condamnée qu'à 6 ans de prison, et fut libérée au début des années 40... elle est morte semble t'il entre 1987 et 1989, et put donc sans doute connaitre le fameux film "L'empire des sens" (1976) de Nagisa Oshima, qui raconte son histoire. Je préfère d'ailleurs, pour des raisons que l'on comprendra bientôt, le titre japonais de ce film "Ai no corrida", ce qui signifie littéralement "la corrida de l'amour".... il me semble que Nougaro a fait aussi une belle chanson sur la corrida et le supplice du petit taureau, et aussi une autre où il dit, de façon assez expressive; à propos des hommes et des femmes et non plus des taureaux  : "elles sont la flèche, et nous la cible"

    Voir aussi sur Abe Sada:

    http://en.wikipedia.org/wiki/Sada_Abe

    la voici sur une photo prise en 1969:

    Pourquoi parler de cette femme dans un article qui porte sur Paul Thomas Anderson et  son dernier film "There will be blood" ?

    http://en.wikipedia.org/wiki/There_Will_Be_Blood

    C'est qu' on peut reconnaitre des liens entre ces deux histoires :celle d'Abe Sada, racontée par Oshima, est réelle, je ne sais pas si celle du film d'Anderson l'est, mais peu importe car ce film parle de la réalité, en l'occurrence celle du capitalisme américain moderne (pétrolier) dont l'essence profonde est : le meurtre. Un autre film qui parle du sens profond de ce que l'on appelle "mondialisation" est "La question humaine" de Nicolas Klotz, à propos duquel j'avais rédigé un billet :

    http://www.blogg.org/blog-64760-billet-la_question_humaine__ou_la_lumiere_fossile_de_la_shoah-664822.html

    et dont son réalisateur dit ceci :

    "On tente de montrer que l'époque moderne s'est construite dans la lumière fossile de la Shoah; elle est empreinte de sa violence".

    Ou, en d'autres termes (les miens) : la victoire en 1945 de la civilisation sur la barbarie nazie est une victoire à la Pyrrhus... on peut d'ailleurs aussi s'interroger sur la nécessité de détruire Dresde (en février 1945), ou d'utiliser l'arme nucléaire contre le Japon en Août 1945.

    Qu'est ce qui est frappant dans le film de Paul Thomas Anderson  ? la scène finale, comme souvent, et sa dernière phrase, prononcée par le héros, milliardaire ayant fait fortune dans le pétrole : "I am finished" (traduisible à la fois par "j'ai fini" et "je suis fini"). Je ne vais pas raconter le film, mais je rappelle juste ici que lors de cette scène admirable il force son "rival" , un chef de secte "évangélique" qui, pris dans la tourmente de 1929, vient l'implorer de l'aider financièrement, à hurler : "Je suis un faux prophète et Dieu est une superstition"... puis le tue. Le film raconte l'itinéraire de l'âme de Daniel Plainview le pétrolier vers l'enfer : "je n'aime personne, je veux me séparer des autres hommes" dit il de lui même. C'est cela l'enfer : l'impossibilité absolue d'accéder (peut être, un jour ?) à l'absolu désintéressement de l'amour dont je parle à propos de la philosophie de Léon Brunschvicg et de la conversion spirituelle qu'il décrit et permet à ceux qui suivent son enseignement. Mais cet "amour" n'a rien à voir avec celui (sexuel) dont on parle généralement, et qui est celui qu'Abe Sada a poussé jusqu'à son paroxysme.

    Le voilà, le lien...

    quant à l'amour chrétien, il n'est pas non plus le véritable amour absolu que promet la philosophie, la vraie philosophie, celle de Platon , Spinoza, Descartes, Einstein  ou Brunschvicg : car il n'a pas su, ou pas pu, rompre avec l'autre amour, l'amour sexuel. La tragédie du christianisme est de n'avoir pas pu réaliser son programme, qui est dans l'Evangile de Jean, et d'avoir ultimement mené à l'Islam, puis au nazisme 14 siècles plus tard... puis à la mondialisation contemporaine, qui est création d'un pseudo-monde, désastre ultime, où se perd tout espoir d'humanité, totu espoir d'accéder un jour à l'amour absolu entre les hommes... qui est donc réalisation du programme infernal nazi !

    C'est aussi ce que reconnait Thomas Mann qui termine son livre "La montagne magique" sur une scène de l'enfer de 1914 où il abandonne son héros Hans Castorp :

    "l'Amour s'élèvera t'il un jour ?"

    après une autre guerre mondiale, les camps d'extermination, Hiroshima, les tueries du GIA, le génocide rwandais, le 11/ 09, on peut certes se poser la question...

    Il est totalement imbécile d'écrire, comme je l'ai lu à propos de "L'empire des sens", que l'histoire racontée est progressiste en ce qu'elle raconte la prise de pouvoir  progressive d'une Geisha, une esclave en quelque sorte,  sur son "Maitre" : Hegel plus la fellation en somme ? Mort de rire

    Quelle est la signification profonde de l'acte , en apparence insensé, d'Abe Sada ? certainement pas celle, pseudo-rationalisée, qu'elle offre elle même aux interrogateurs : "je l'ai tué par amour, pour l'avoir éternellement pour moi seule, j'étais devenue folle d'amour pour lui"... en même temps on doit convenir qu'elle a au moins le courage de dire la vérité : elle l'aimait parce que c'était pour elle un amant extraordinaire, elle ne se lassait pas de faire l'amour avec lui et l'a peu à peu "vampirisé", le coupant de tout lien avec sa famille (il était marié), sa profession...

    autre lien avec Daniel Plainview  ! quand il dit de lui même que l'esprit de compétition (capitaliste) l'a peu à peu coupé du reste de l'humanité, qu'il déteste, et dont il veut se "séparer" radicalement grâce à l'argent qu'il a amassé (et il réalisera cela jusqu'au bout, allant jusqu'à chasser son fils)...

    Abe Sada ne doit pas non plus être conçue comme réalisant les thèses de Georges Bataille (un mystique, catholique) sur l'érotisme, affirmation de la vie jusque dans la mort, permettant de "retrouver la continuité perdue entre les êtres" (on notera la dialectique qui s'instaure peu à peu entre continu et discontinu, lien et séparation).

    Non, l'histoire d'Abe Sada est tout simplement une fantastique régression aux temps immémoriaux du matriarcat et des "grandes déesses omnipotentes", ces temps où la femme avait droit de vie ou de mort sur l'homme, qu'elle utilisait comme un "pénis anonyme". Les "prostituées sacrées" sont une "trace" de ces anciens temps ("in illo tempore") , et les geishas japonaises sont certes la forme moderne la plus "fidèle" à cette tradition antique. De même il existe encore des tribus où le "mari" n'a le droit de "visiter sa femme" (qui a droit à plusieurs maris) qu'à la nuit tombée,... puis il doit vite se sauver avant la venue du jour...

    On sait que les prophètes d'Israel n'ont eu de cesse de mettre fin au règne de ces prostituées sacrées; ont ils réussi ? c'est une autre histoire !

    De toutes façons, de mon point de vue, les choses sont claires : le monothéisme patriarcal (judeo-christiano-islamique) n'est qu'en entre-deux, la Grande Mère gagnera toujours sur le dieu patriarcal...comme nous commençons à le soupçonner.

    L'histoire d'Abe Sada n'est en rien progressiste : son intérêt exceptionnel est de nous montrer de quoi nous devons "partir", et nous séparer radicalement (l'amour sexuel, qui nous reporte aux anciens temps "primitifs", "orientaux") pour accéder, peut être, un jour, à l'absolu désintéressement de l'amour (philosophique), qui ne peut naitre que de l'expansion infinie de l'Intelligence et de la "conversion spirituelle philosophique".

    Pour cela, nous devons rompre aussi radicalement avec la catastrophe du Gestell techno-scientifique, né au 18 ème siècle de la rupture entre science et philosophie, et avec le capitalisme moderne "globalisé" qui en est issu, et donc la violence s'est construite récemment "dans la lumière fossile de la Shoah"..

    qu'arrive t'il a Kichizo, l'amant d'Abe Sada ? il perd peu à peu son identité, son nom, régressant jusqu'à accepter la mort par la main de sa maitresse et devenir un "phallus anonyme" qu'elle pourra couper et porter sur elle (en elle, en fait Clin d'oeil)  pour réaliser la fusion totale de deux êtres, l'androgynie mythique primordiale (qui est aussi celle d'Adam dans la Torah).

    Mais ce genre de régression dans le mythique et la mystique sexuelle (féminine, matriarcale, lunaire , orientale , asiatique) n'a rien à voir avec l'unité spirituelle promise par le rationalisme occidental , solaire, et sa spiritualité virile, qui est celle d'un Descartes et de son oeuvre "initiatique"... et il me semble bien que le Japon a finalement choisi l'Occident, et que ce fut le sens de cet autre "acte" extraordinaire, insensé en apparence, le suicide traditionnel de Yukio Mishima en 1970 ...mais je m'avance peut être un peu trop... et d'ailleurs les USA n'ont rien à voir avec ce qu'est le réel Occident...

    voilà, tout cela est un peu embrouillé... pour résumer en quelques mots, et "synthétiser" : capitalisme moderne mondialisé (et donc pseudo-Occident soi disant démocratique et émancipateur) et régression "asiatique" aux temps mythiques primitifs (avant le monothéisme) sont "la même chose", et ils sont "la même chose" que le nazisme, qui lui aussi rêvait d'un retour au paganisme et aux temps primordiaux.

    Dit comme cela, c'est peut être un peu trop "simplifié" et synthétique, et cela devient peut être un peu...scandaleux. Tant pis ! de toutes façons cela ne pourra pas rivaliser avec le scandale qu'a déclenché l'Empire des sens Mort de rire

    en aucun cas la solution à la tragédie (la question ?) humaine, si elle existe (et on peut certes se demdander si cette "question" est susceptible d'une réponse, puisque ce n'est rien d'autre que celle du sens de "être"), ne peut être trouvée dans un "retour". Elle est "en avant", et sous condition d'une rupture absolue avec les temps "d'avant le 17 ème siècle"...ou bien peut être d'avant la philosophie, en incluant en celle ci la philosophie scolastique occidentale ? peut être....

    Et "Punch drunk love" dans tout ce fatras, me demandera t'on ?

    c'est le film précédent réalisé par Paul Thomas Anderson en 2002, un film absolument "non racontable"; un film extraordinaire ajouterai je...

    http://archive.filmdeculte.com/film/film.php?id=263

    http://en.wikipedia.org/wiki/Punch-Drunk_Love

    il faut le voir en relation avec "There will be blood" : ce dernier film permet de comprendre pourquoi la "belle histoire" de "punch drunk love", celle d'un homme qui trouve la force intérieure de "tracer sa voie dans l'Etre" et de briser tous les carcans qui l'emprisonnent grâce à l'amour d'une femme, pourquoi cette "belle histoire" n'est justement qu'une...belle histoire. Un mensonge.

    Car l'amour entre homme et femme trouve sa vérité ultime dans...Abe Sada .

    Ce qui ne veut pas dire heureusement que toute les histoires d'amour, qui "finissent mal en général", se terminent comme celle de l'Empire des sens ! non ! je vous rassure ! et faire l'amour c'est quand même bien agréable n'est ce pas Mort de rire

    mais quand même...une fois qu'on connait cette histoire....et que l'on sait qu'elle donne la "clé" pour comprendre ce qu'est l'amour sexuel, donc l'amour entre homme et femme (ou entre homme et homme, femme et femme, ne soyons pas politiquement inccorects !Mort de rire) et ce que donc n'est pas l'amour absolu promis par la philosophie... peut on faire l'amour comme "avant" ?

    je me borne à cette suggestion Clin d'oeil

     

     


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