• Il arrive qu'un livre "tombe à pic" dans le "parcours" d'un lecteur (en particulier dans le domaine philosophique), c'est le cas pour le lecteur que je suis de ce livre ci , écrit au début des années 70... mais auparavant quelques mots à propos de ce blog...

    J'ai passé pas mal de temps à écrire trois articles assez "pompeux" (pour ne pas dire pompiers ? ) sur le "Mal radical" sans assez me rendre compte que moi même je me livrais au Mal en faisant ce que je fais ici...

    car si la notion de "Mathesis universalis" (que je n'ai pour l'instant pas vraiment explicitée, et pour cause : c'est un peu l'arlésienne, ou plutôt une auberge espagnole, chacun y apporte sa propre cuisine !) doit être prise au sérieux (et pour ma part je la prends au sérieux : j'ai peut être tort !), alors cela signifie que l'on ne doit reconnaitre comme admis , comme "vrai" que ce qui est "vérifié" (comme dit Brunschvicg), c'est à dire ce qui est démontré ou asserté avec une certitude au moins égale à celle des propositions mathématiques (dont on sait d'ailleurs que Descartes, qui est l'un des Maitres que je reconnais, les englobait dans son doute radical ce qui lui permettait de trouver des vérités reconnues avec un degré de certitude encore supérieur : apodictiques).

    Or je n'ai pas assez signalé ici que tout ce que je dis (absolument tout)  n'est pour l'instant que ma certitude "subjective", la certitude de quelqu'un qui n'est d'ailleurs même pas un philosophe ni un mathématicien ou physicien professionnel... et de quelqu'un qui dans sa vie privée n'a pour l'instant montré aucune prédisposition à la poursuite de la sagesse...

    ces précautions étant prises, revenons au livre de Ludovic Robberechts , (un philosophe né en 1935 et qui n'a donc pas pu connaitre personnellement Brunschvicg) , livre paru en deux volumes :

    Essai sur la philosophie réflexive tome 1 (paru en 1971), consacré aux quatre philosophes représentant d'après lui cette tendance philosophique : Maine de Biran, Lachelier, Lagneau et Brunschvicg

    Essai sur la philosophie réflexive tome 2 paru en 1974, consacré au philosophe qui d'après Robberechts vient couronner l'édifice de cette philosophie (et de la philosophie en général) : Jean Nabert (1881-1960), puis au "dépassement" de la philosophie (dépassement rendu possible seulement parce que Nabert en a en quelque sorte trouvé le bout, la fin, avec l'aporie constitutive du problème du Mal) par le "retour" (mais est ce bien un retour??) au judaïsme, c'est à dire le fait de quitter le terrain "intellectualiste" qui est celui de la philosophie occidentale depuis Platon pour se confier uniquement à la garde des mythes, et encore pas n'importe quels mythes : les mythes juifs (car d'après Robberechts, tous les autres mythes se retournent un jour ou l'autre contre ceux qui se laissent gouverner par eux).

    Il s'agit donc d'une position très tranchée, comme on le voit, et qui se situe à l'antipode exact des thèses soutenues ici ! mais comment pourrait t'on parvenir à la vérité si l'on n'ose pas affronter la contradiction ? et surtout si l'on adopte une posture ou une méthode à caractère scientifique, où tout ce qui est affirmé doit être "réfutable" si du moins cela ddoit avoir une valeur de vérité.

    Je ne vais d'ailleurs pas "affronter" quoi que ce soit, car je dirai d'emblée qu'il s'agit d'un livre admirable, extrêmement important, et tout à fait déstabilisateur pour quelqu'un comme moi!

    Le tome 2 est accessible online en "aperçu limité" (c'est à dire que l'on ne peut voir que certaines pages, mais il y en a assez pour que l'on puisse se faire une idée correcte du livre) sur "Google" , à l'adresse suivante :

    http://books.google.fr/books?id=sOn_tLn5yTsC&pg=PA3&dq=robberechts&ei=f3U6SN3lN5XuygTsnL3LDw&sig=iF3bL0J_vlZgfOiAWo16xXroeRY

    le tome 1 était aussi lisible sur Google il y a quelques mois, il ne l'est plus pour l'instant, peut être redeviendra t'il accessible un jour... en tout cas on peut facilement acheter les deux volumes sur Internet, je l'ai fait moi même en début d'année...

    L'importance du travail de Robberechts vient de ce qu'il prend son départ au coeur même de la philosophie occidentale, qui est selon lui (et selon moi) son noyau "intellectualiste", pour ensuite la dépasser (enfin ... d'après lui ). Et ce n'est évidemment pas un hasard s'il termine par Brunschvicg, qui représente incontestablement l'aboutissement suprême de cette philosophie rationaliste, intellectualiste et mathématisante (à partir des années 70, et surtout 80 avec l'Etre et l'évènement vient s'y ajouter Badiou, mais j'ai déjà précisé que je le considère comme déviant de la ligne rationaliste et brunschvicgienne).

    Robberechts se livre à une critique acérée de Brunschvicg, et à travers lui de Spinoza et du Spinozisme, qualifié de pensée abstraite et sans portée réelle sur la "vie"... je n'ai pas le temps de faire ici une recension et un commentaire, voire une réfutation , détaillée du livre, aussi me contenterai je de dire pourquoi à mon avis Robberechts a tort concernant Brunschvicg; il reprend à son sujet les accusations,  déjà lancées dans les années 30 par Nizan et Sartre et sa "bande" , de "philosophie alimentaire" , même s'il garde un certain tact (et une admiration certaine pour Brunschvicg, dont il signale l'émouvante bonté, incompréhensible pour lui) et ne va pas jusqu'à le traiter de "chien de garde" du capitalisme bourgeois...

    Je n'ai pas le livre sous les yeux, et le tome 1 en question n'est pas accessible online, mais je résumerai ce que dit Robberechts ainsi : Brunschvicg concevrait le philosophe comme "au dessus" des autres hommes, en ce qu'il utiliserait leurs travaux (et en particulier les durs labeurs des scientifiques) pour "parvenir tout seul dans son coin" à son idéal de contentement de l'esprit au moyen de la réflexion intellectuelle, désertant ainsi et refusant de prendre part aux tâches collectives de luttes pour l'amélioration du sort de tous.

    Mais la philosophie de Brunschvicg, telle du moins que je la comprends, est tout à fait différente de cette description : l'idéal de contentement ou de "joie souveraine" ininterrompue promise par la philosophie de Spinoza et Brunschvig, obtenue (et c'est là l'apport de Brunschvicg) par un examen et une réflexion de plus en plus approfondie, mais aussi honnête, scrupuleuse et humble, sur les résultats de la science, concerne tout homme, en droit, même si en fait, et pour le moment, dans l'état actuel (bien plus déplorable à notre époque encore que du temps de brunschvicg) de nos "sociétés" il n'est visé que par une minorité restreinte, et obtenu par une minorité bien plus restreinte encore. Mais doit on accuser de ce fait les rares "philosophes" qui y parviennent, par un travail acharné et incessant, s'étendant sur toute une vie, et au prix d'un renoncement total aux "autres plaisirs de la vie" (faux plaisirs , selon Spinoza, et destructeurs) et d'une "ascèse intellectuelle" fort exigeante ? non ! on doit plutôt accuser la lâcheté et la pusillanimité de ceux qui n'y parviennent pas, ou n'ont même pas l'idée de tenter l'aventure...et après tout s'ils veulent vivre autrement libre à eux ! mais alors pourquoi accuser les rares personnes qui choisissent la voie de Brunschvicg de démission ?? eux aussi ont le droit de vivre selon leurs critères, ils ne font de mal à personne...ou en font ils ? c'est ce que semble penser Robberechts...

     chacun fait fait fait cki lui plait plait plait , on est en démocratie !

    passons maintenant au tome 2...

    Je suis d'emblée d'accord avec Robberechts sur l'importance cruciale de Nabert pour la philosophie. Il le place à ce premier rang, en compagnie de Merleau Ponty et de Husserl (il a écrit en 1964 un petit livre sur Husserl, facile à se procurer aussi). Il est à noter que Nabert comme Merleau-Ponty sont des élèves de Brunschvicg....eux aussi ! il semble que tous les grands auteurs de philosophie d'après guerre le soient, et aient été influencés de façon essentielle (pour leur orientation philosophique) par Brunschvicg, même si c'est négativement (comme Sartre). C'est là la marque d'un grand Maitre de sagesse, ce que fut indéniablement Brunschvicg, et il y en a bien peu de cette envergure ... en fait il n'y en a aucun d'après moi!

    Robberechts note que sous des dehors respectueux (il a écrit un article sur Brunschvicg empreint d'une déférence infinie dans la revue de métaphysique et de morale en 1928 ) Nabert est le seul élève, ou plutôt disciple, qui se soit affranchi et ait ainsi dépassé le Maitre. Mais est bien vrai (qu'il soit le seul) ? n'est ce pas le propre d'un vrai Maitre que de vouloir former des esprits libres, donc libres vis à vis de lui même, et donc de vouloir que, leur temps venu, les disciples "tuent le Maitre" ?

    voici le lien de cet article de Nabert sur l'oeuvre de Brunschvicg, le "Progrès de la conscience" dans la revue de métaphysique et de morale (aller pages 219 à page 275):

    http://gallica.bnf.fr/ark:/12148/bpt6k11247m.pagination

    Nabert est le type même du philosophe véritable, qui a très peu écrit parce qu'il ne voulait écrire que des choses importantes et vérifiées (héritage de Brunschvicg !!), vérifiées non pas comme en mathématiques mais passées au crible d'une conscience d'une méticulosité et d'un scrupule infinis ! il ne reste que trois livres de lui, mais on pourra se contenter de lire son petit traité de 1955 : Essai sur le Mal, qui contient tout en germe. Je l'ai lu moi même il y a longtemps, et dois le retravailler si je dois en dire quelque chose ici, aussi me bornerai je dans cet article à admettre ce que dit Robberechts, c'est à dire que Nabert est le seul philosophe occidental à situer exactement, à poser de façon correcte le problème abyssal du Mal, de l'injustifiable dans le monde (en fait je ne l'admets pas, puisque Brunschvicg le pose aussi mais n'en reste pas à l'aporie, car il y apporte une "réponse", réponse qui si l'on veut n'en est pas une car elle consiste non pas à fuir, mais à changer les données du problème).

    On pourra lire à l'adresse suivante une thèse doctorale sur "Conscience de soi et conscience de Mal dans l'oeuvre de Nabert":

    http://edoc.bib.ucl.ac.be:81/ETD-db/collection/available/BelnUcetd-06012005-231058/unrestricted/thesedoctorale.pdf

    Mais, selon Robberechts, Nabert ne va pas plus loin : il pose correctement le problème (dans "Essai sur le Mal") et marque ainsi la fin de la métaphysique et son possible dépassement, mais ne donne aucune réponse : c'est là son héroïsme philosophique (un "héroîsme de la Raison" semblable à celui que husserl appelait de ses voeux dans la Krisis en 1936) de rester honnête intellectuellement et de dire : "là je ne peux pas répondre" si c'est le cas... d'ailleurs cette issue est elle si éloignée de celle de Brunschvicg qui disait : l'esprit refuse de répondre pour la matière et pour la vie, c'est à dire qu'il refuse de "descendre" de son niveau aux niveaux inférieurs, matériels ou vitaux, qui sont ceux où se pose le problème du mal ? encore faut il, quand on donne pareille solution, pouvoir l'appliquer soi même dans sa vie réelle et tel est le sens de la question que Gabriel Marcel (ou est ce Blondel ??) posait à Brunschvicg qui disait que sa propre mort n'avait aucune importance à ses yeux : "oui mais et la mort de Madame Brunschvicg ?"

    mais ce n'est pas la philosophie ou les philosophes qui "vont plus loin" que cette aporie où en reste Nabert et donnent non pas la solution, mais la réponse : d'après Robberechts, ce sont les juifs... les juifs croyants, ceux qui confient leur vie non pas à la raison gréco-philosophique, mais aux mythes juifs du Tanakh (=Torah-Neviim-Ketouvim : Torah plus prophètes plus livres sapientiaux, soit "l'ancien testament").

    Il y a certes une similitude avec le cas de deux autres penseurs juifs : Frantz Rosenzweig, l'auteur de "L"étoile de la rédemption", qui en 1913, visitant à Berlin une synagogue très modeste, a une sorte de "révélation" et décide de "faire retour au judaïsme", et bien sûr Emmanuel Lévinas. Mais il ya aussi une différence énorme, qui est que Rosenzweig comme Levinas restent des philosophes et quels philosophes ! et à la différence de robberechts ils n'établissent pas de hiérarchie, leur judaïsme leur est une "ressource" pour leur parcours philosophique, c'est flagrant chez Levinas, et en tout cas ne prétendent pas "dépasser" ou "transcender" grâce au judaïsme la philosophie qui serait arrivée au bout de sa course.

    Je vois une autre parenté, cela fera sans doute bondir certains : celle de Heidegger !

    on a pris l'habitude, depuis la polémique déclenchée par des livres comme ceux de Farias, de faire le portrait de Heidegger en penseur nazi : il s'est engagé aux côtés des nazis pendant un an, jusqu'à 1934, et beaucoup de penseurs animés de mauvaises intentions à son égard tentent de démontrer que ce choix n'est pas accidentel, que la pensée heideggerienne est essentiellement nazie.

    Mais on ne rappelle pas assez souvent que Marlène Zarader, dans son livre "La dette impensée", a montré avec succès que cette pensée heideggerienne est redevable aux penseurs-prophètes  hébraïques, quand elle cherche à remonter aux conceptions pré-platoniciennes de la vérité comme décèlement et aux époques "initiales" et matutinales de l'aurore grecque, avant l'oubli de l'Etre initié par Platon et Socrate et qui marque le "destin" dont la métaphysique occidentale ne pourra jamais s'affranchir. D'après Marlène Zarader, cette époque grecque pré-platonicienne est en dette vis à vis du judaïsme, vis à vis des penseurs hébraïques.

    Pour ma part je n'ai pas attendu d'avoir lu le livre de Zarader pour observer les analogies et similitudes frappantes entre certains aspects de la doctrine de la pensée remémorante de l'Etre chez Heidegger , et certains aspects du judaïsme , notamment quand il remplace la vision (l'oeil) qui est l'obsession de la métaphysique occidentale (encore chez Husserl qui parle sans arrêt de "voir", et d'ailleurs on sait que le mot théorie se réfère étymologiquement à la vision), quand dont le judaîsme choisit de mettre plutôt l'accent sur l'écoute... par exemple dans la prière juive "Shma Israel , Adonai eloheinou, Adonai ehad..." : écoute Israel, le Seigneur (ou le nom, Hashem) est notre Dieu, le Seigneur est Un...

    et d'ailleurs David Lynch autre "contestataire" intempestif de l'ordre occidental fondé sur le voir "grec", la théorie, le regard, a lui aussi recours aux hébreux et à leur "écoute" quand au début du film "Blue Velvet" il met en scène un personnage qui trouve une oreille tranchée au rasoir dans l'herbe....façon de suggérer la violence symbolique de l'Occident gréco-chrétien envers les juifs, violence consistant à donner toute la place au "voir" théorique (notamment dans la science "dure", la physique géométrique par exemple, à partir du 17 ème siècle) et à ainsi anéantir,  en lui retirant tout "lieu" , le recours juif à l'écoute (de la Parole mythique), à l'oreille.

    Faut il alors évoquer (symmétriquement) le film de 1928 de Luis Bunuel : "Un chien andalou" , où l'on assiste à cette scène insupportable d'un rasoir qui tranche un oeil en gros plan ?

    peut être...sans doute...certainement ! il ne serait pas étonnant outre mesure que Lynch, qui comme tous les réalisateurs dignes de ce nom doit être un grand cinéphile, se soit remémoré cette scène du "Chien andalou" quand il a tourné "Blue Velvet".... ce même David Lynch dont le nom a figuré sur des "listes de personnalités à abattre" dans des groupes neo-nazis américains, et qui quelques années avant "Blue Velvet" avait tourné "Elephant Man", ce film grandiose où un pauvre homme défiguré au visage "éléphantesque", tourmenté et torturé par l'ordre économique ignoble de l'Angleterre victorienne et ses cirques, ne trouve refuge que dans le livre des Psaumes, c'est à dire dans le judaïsme...

    Luis Bunuel est lui aussi resté toute sa vie un contestataire de l'ordre bourgeois, et qu'est ce d'autre que le surréalisme (à l'oeuvre dans "Un chien andalou") qu'un gigantesque attentat contre ce qui était jugé à l'époque (après guerre) insupportable dans l'ordre occidental moderne (des nations européennes colonisatrices ou "anciens empires" comme Espagne ou Portugal) ?

    Ce (long) détour par le cinéma vise à mettre en évidence deux ordres symboliques totalement hétérogènes : celui que nous appelons "occidental" (européen), propre à cette humanité européenne qui depuis les mutations de la Renaissance choisit de se donner une nouvelle figure fondée sur la philosophie grecque (c'est tout le développement du début de la Krisis de Husserl) ; et celui qui reste en "marge" (contestataire de l'hégémonie occidentale donc) et qui comprend les "juifs", et prend recours sur les mythes juifs et leur fondement sur l'écoute plutôt que sur le voir théorique.

    Et ce n'est pas une mince surprise que de voir Husserl (d'origine juive, mais converti au christianisme,  néanmoins persécuté par les nazis) dans le premier "camp", et Heidegger le prétendu "nazi" dans le second ! d'ailleurs Gérard Granel ne parle t'il pas, dans sa préface à la Krisis, de la "paranoïa théorique occidentale à l'oeuvre chez Husserl" ?

    La pensé de Heidegger possède avec évidence une puissance explosive dirigée contre l'Occident et la modernité nihiliste, celle de la mise en exploitation sans limite de l'étant, naturel ou humain, comme "ressources", dans le Gestell, l'arraisonnement, l'appropriation sans frein de tout le domaine de l'étant et sa mise au service de la production, de la "croissance", économique ou relevant d'autres domaines de l'être historial .

    C'est évidemment là l'explication de certaines convergences (contre nature en apparence seulement) entre heideggeriens "de gauche" et autres contestataires ou "altermondialistes".

    Je caractériserai et résumerai cette opposition par celle que j'avais déjà souvent pointée entre les deux syllabes MA et MU (qui en hébreu devient "MY" = mem + yod), et qui remonte au Zohar , cette "somme" de l'ésotérisme juif appelé "Qabbalah".

    On sait que les rabbins du Zohar (le passage en question se situe au tout début du tome 1) mettent en parallèle la question visant l'étance , la relation, le "comment" propre à l'interrogation scientifique : "Mah zoth ?" : qu'est ce que c'est ? en quoi cela consiste ?

    et la question visant "ce qui est au delà de l'essence" , qui pour les hébreux prend la forme (dans le zohar) : MY bara eleh ? qui a créé cela ?

    Ils relient ces deux syllabes (MA et MY) aux Eaux inférieures (MA) et supérieures (MY) de Genèse 1 dans le "jeu de mots" kabbalistique : MAYIM (qui en hébreu veut dire "EAU") , mot formé de la syllabe MA à l'endroit et de la syllabe MY inversée... car le domaine "supérieur" (Natura naturans, nature naturante))est soumis à un ordre inverse du domaine "inférieur-naturel-mondain" (Natura naturata, nature naturée).

    Dans nos langues MA donne MAthématique, MAtière, MAtrix, MAthesis universalis, et MU ou MY donne : MYthes, MYstique, MYstère, MUet, MUsique...aussi doit on voir du sens dans le nom du  séminaire déjà évoqué de François Nicolas : MAMUPHI :

    http://www.entretemps.asso.fr/maths/

    cette opposition que nous avons analysée sous de multiples facettes n'est pas autre chose que ce que décrit dans sa propre terminologie Robberechts , quand il oppose ce qu'il appelle les abstractions mathématico-platonisantes propres à l'Occident et à sa science théorique, et les mythes propres à toutes les civilisations non occidentales. Et on peut dire qu'il n'y va pas de main morte !

    la science est dépeinte comme une "drogue", la drogue de l'Occident que celui ci tente (avec réussite) de "dealer" , de fourguer aux autres cultures, pour s'assurer sur elles une supériorité, celle du dealer sur le toxicomane..

    cela pourra surprendre mais j'approuve sans réserve cette appréciation négative de Robberechts sur ce qu'il appelle la "science" et qu'il faudrait plutôt appeler "technoscience".

    Mais peut on opposer une science "bonne", "noble", dont tout le but est l'enrichissement de l'humanité par le développement des capacités de l'esprit humain, et une "technoscience" mauvaise, à laquelle nous sommes redevables de la bombe thermonucléaire, de l'obsession de la "croissance" ?

    c'est en tout cas la thèse défendue ici, et qui prend appui sur ce que disaient de la science ceux qui l'ont développée à ses débuts, au 17 ème siècle. Le but n'était pas et ne pouvait pas être le développement sans frein de la technique, puisque celle ci n'est apparue, sous la forme que nous connaissons, qu'à partir du 19 ème siècle. Le but en était, comme il est écrit par exemple au début de la "Logique de Port royal" (1664) le développement des bonnes qualités de l'âme (citation exacte à retrouver)

    Mais Robberechts va plus loin, et englobe dans ses anathèmes technique aussi bien que science "théorique", qui selon lui consiste juste en un développement à l'infini de formules algébriques sans aucun sens réel (ce que d'aucuns, comme Husserl, nommeront "mathesis universalis") : l'algébrisation est jugée, chez Robberechts comme chez husserl, et condamnée comme perte de l'intuition fondatrice (celle de la géométrie d'avant Descartes), ou perte du contact avec le "monde de la vie".

    Mais ici je ne suis pas d'accord, et m'appuie sur la distinction opérée par Brunschvicg entre "Verbe intérieur, logos endiathetos" , ou pensée pure, et "logos propherikos" ou langage, ou forme exérieure de la pensée exprimée (au moyen de propositions langagières ou de formules algébriques).

    Il ne faut pas confondre la Pensée et la Vérité, avec ses formulations  en langues naturelles ou mathématiques, conduisant aux chaînes de "vérités exprimées", les théorèmes.

    Ce que nous nommons "Mathesis universalis", ce n'est pas la mathématique même universelle (universal algebra) telle qu'on peut la voir développée dans les manuels, car il ne s'agit là que d'une forme extérieure, contingente; c'est la pensée "solide" qui est à l'oeuvre "derrière" , ou encore le Verbe-mathesis, la Raison universelle des esprits de Malebranche.

    Et là j'ai la caution de Descartes dans les Regulae, qui d'après les analyses profondes de Jean Luc Marion (dans "Sur l'ontologie grise de Descartes") a réalisé un "coup de force" en donnant à ce qu'il appelle "mathesis universalis" un sens dépassant la pure mathématique et englobant tout (y compris la métaphysique). Mais le très grand philosophe chrétien  Marion condamne ce "coup de force", cet "attentat" de Descartes (que  Rosenfield caractérise comme "démesure de la Raison"); moi je l'approuve, et je l'admire ..mais bien entendu je ne suis pas digne de dénouer les lacets de la chaussure de Marion, un des plus grands philosophes de l'heure...non sum dignus Domine


    3 commentaires
  • Entendu sur France Info dimanche soir : en Irak, un soldat américain (un sous officier il me semble) a dû démissionner après avoir été accusé de blasphème et d'islamophobie. Cet homme, visiblement à bout de nerfs) a ouvert le feu sur un exemplaire du Coran avec son fusil (et tiré 14 fois, il faut le faire....pourquoi 14 et pas 19, nombre dont on sait qu'il revient très souvent dans la numérologie coranique ? mystère et boule de gommes !) et inscrit des insultes sur le "Livre saint"...

    mais ce qui est intéressant c'est que le commandant en chef de l'armée américaine pour la zone en question s'est sneti obligé de présenter les excuses de l'armée aux "autorités musulmanes locales", il a même été jusqu'à embrasser devant tout le monde un exemplaire du Coran (je pense que ce devait être un autre exemplaire que celui rempli d'insultes par le G I islamophobe Mort de rire)

    Cela saute aux yeux dans cette navrante histoire (navrante, de mon point de vue, surtout pour le pauvre homme qui a craqué ainsi...à moins que ce ne soit un petit malin qui a trouvé ce stratagème pour se faire rapatrier aux USA, loin des horreurs de cette guerre qui ne porte pas son nom ) : il y a convergence, en certaines occasions, entre "Islam" et "autorité administrative ou militaire" de la première puissance mondiale, qui est aussi le symbole du capitalisme "globalisateur", soit entre deux formes du "MAL" tel que je les ai définies précédemment...bien entendu on me rétorquera que c'est pure hypocrisie de la part des américains, qu'ils n'agissent ainsi que pour éviter une explosion du mécontentement et de la violence, qu'ils ont besoin de l'Islam pour maintenir un semblant d'ordre...un "ordre" qui tolère, et même encourage, les mises à mort d'adolescentes lors de crimes d'honneur, telle cette jeune irakienne tuée par son père parce qu'elle s'était amourachée d'un soldat britannique (et les policiers irakiens félicitent le père assassin et raciste):

    http://www.bivouac-id.com/2008/05/12/irak-ma-fille-meritait-la-mort-pour-etre-tombee-amoureuse/

    Il est vrai qu'il n'y a pas besoin d'aller jusqu'en Irak pour assister à des "crimes d'honneur" , ni même de sortir d'europe, témoin le meuretre de la jeune italienne d'origine pakistansiase Hina Saleem par son père, au motif qu'elle était amoureuse d'un Italien et voulait vivre avec lui...vous vous rendez compte ? tomber amoureuse d'un italien en Italie, c'est vraiment un peu fort aux yeux d'Allah ......

    http://www.lefigaro.fr/international/20060817.FIG000000168_le_meurtre_d_une_pakistanaise_secoue_les_italiens.html

    On me dira que je pousse un peu : si les musulmans veulent garder leur identité, et l'honneur de leur fille (qu'ils placent entre les cuisses de celels ci), libres à eux ! il faut être tolérant quand même, mon bon monsieur, et respecter la "différence"...mais ce qui me dérange un petit peu, c'est qu'en sens inverse, certains musulmans nigérians ne semblent pas estimer terriblement la "différence chrétienne" puisqu'ils enlèvent des filles chrétiennes pour les marier de force à des musulmans :

    http://www.bivouac-id.com/2008/05/21/nigeria-les-enlevements-de-chretiennes/

    Aux Pays Bas (où le cinéaste Theo Van Gogh, descendant de l'illustre peintre, a été assassiné en 2004 pour blasphème contre l'Islam), c'est la police qui convoque et met en garde à vue  un dessinateur coupable de se moquer de l'Islam et le menace de divulguer son identité et son adresse :

    http://www.bivouac-id.com/2008/05/16/un-caricaturiste-hollandais-arrete/

    oui vous avez bien lu : aux Pays Bas, pays europeén qui fait partie de la communauté européenne, si sourcilleuse sur les "droits de l'homme", la police, non seulement ne protège pas ses concitoyens, mais les menace de les dénoncer aux terroristes pour les faire taire...

    il est vrai que la police anglaise ne semble pas efficace non plus dans la lutte contre le fanatisme religieux, ainsi qu'en témoigne cette video :

    http://www.bivouac-id.com/2008/05/18/exclusif-bivouac-id-londres-la-police-acculee-au-mur-par-des-musulmans-la-video-en-francais/

    On me demandera : que cherchez vous à prouver par cette accumulation d'évènements ponctuels ?

    il est vrai que je dois être un peu islamophobe... mais doit on faire le même reproche à la psychologue d'origine arabe (et née musulmane) Wafa Sultan, qui vit aux USA, et dans la video suivante tient un langage rien moins que politiquement correct à propos de l'Islam :

    http://www.rebelles.info/article-13515459.html

    On notera qu' elle parle d'Islam et non pas d'islamisme, et situe le début de la guerre (qui n'est pas un "choc de civilisations", mais une guerre entre LA civilisation et LA culture et la mentalité régressive et moyennâgeuse) aux débuts de l'Islam.

    Car enfin : qui veut absolument séparer l'humanité en deux, entre les pieux croyants et les mécréants , les non musulmans (que le Coran nomme des "singes et des porcs"), sinon l'idéologie islamique, et ce dès ses sources coraniques ?

    Si le "bien" consiste en l'unité de l'humanité , j'estime donc être fondé, tout comme Wafa Sultan sans doute, à voir dans l'Islam dès sa naissance coranique (et non pas dans un prétendu "islamisme" qui ne serait que dévoiement d'une prétendue religion de paix et d'amour) une des formes du MAL.

    Et j'estime aussi avoir suffisamment montré les convergences, qui dépassent le pur souci hypocrite de maintien de l'ordre ou de collaboration ponctuelle en vue de mettre à bas l'ordre ancien, entre cette forme du MAL, l'Islam, qui est sans contestation actuellement sa forme la plus ténébreuse et surtout violente, et les deux autres formes de ce même MAL qui j'ai distinguées, à savoir le capitalisme mondialisé destructeur des particularités et des individualités, et l'ultra-gauche qui prend la suite du communisme défunt.

    Robert REDEKER, au cours de l'émission de Ruquier où il a été transformé en accusé par les minables petits "procureurs" de la non-pensée unique (Richard Bobohringer, Pascale Clark et Eric Nauleau), a bien expliqué cette fascination des "demi-soldes" de l'ultra-gauche pour l'Islam, voir :

    http://www.rebelles.info/article-19684590.html

    Mais il est une autre disproportion , différence, dissimilitude, comme l'on voudra, entre les trois formes du MAL, qui est tout aussi importante , et même bien plus, car elel touche à la pensée qui sous-tend l'action.

    Alors que l'Islam s'appuie sur un "livre", le coran, où le ridicule, la stupidité le dispute à l'ignominie (et on comprend ici Houellebecq qui se dit "effondré" à la lecture de ce tas d'immondices) , et que le capitalisme mondialisé techno-scientifique utilise les reliquats purement fonctionnels de la "science qui pense" (contrairement aux assertions d'Heidegger hélas confortés par le panorama actuel) que nous thématisons ici comme "Mathesis universalis"), l'ultra-gauche est "assistée" depuis quelques années, comme de plus en plus de "commentateurs autorisés" commencent à s'en aprercevoir, par une pensée exceptionnellement forte , d'une puissance de "frappe" inédite, celle d'Alain Badiou.

    Cette "force de pensée" (pour reprendre la terminologie de la non-philosophie de Laruelle, quoique sans doute hors de propos) lui vient incontestablement de sa mise à contribution et de sa fréquentation de la "pensée solide" qu'est la mathématique, comme on peut s'en assurer en la comparant avec celle du "frère d'armes" de Badiou, Slavoj Zizek.

    Mais là où les vrais philosophes rationalistes (puisque Badiou se réclame de la philosophie rationaliste contre le vitalisme de Deleuze) comme Brunschvicg, Malebranche, Vuillemin, ou Lautman, se mettent véritablement à l'école de la mathématique, en parcourant le dur chemin de pensée qui va de la physique à la métaphysique (ou la dialectique de Platon) en passant par la mathématique universelle , Badiou prétend s'affranchir de la physique et se lancer directement à partir de la mathématique restreinte à la théorie des ensembles, qu'il  croit pouvoir identifier à l'ontologie, et à celle des topoi, qu'il limite à une portée "logique". On voit qu'il lui manque l'humilité face à la science que recommande sans cesse Brunschvicg pour les philosophes véritables. Ce n'est d'ailleurs sans doute pas un hasard si le très badiousien François Nicolas gomme la "physique", dans la triade (qui remonte à Thomas d'Aquin) : physique, mathématique, métaphysique, qu'il remplace, dans le cadre de son séminaire Mamuphi, par : mathématique, philosophie, musique... soit le plus dionysiaque de tous les arts. On peut d'ailleurs aussi s'effrayer de ce que parmi les quatre "conditions" de la philosophie (soit les disciplines de pensée  fournissant la philosophie en "vérités") selon Badiou on trouve amour , poésie (arts) et politique à côté de la mathématique.

    Or, comme je l'ai maintenant assez longuement expliqué, la philosophie doit selon nous se garder de l'amour "humain" , sexuel, (l'amour dont Thomas Mann se demandait s'il naîtrait un jour ne pouvant être que l'amour "spirituel" absolument désintéressé et s'étendant à la totalité des êtres et étant d'ailleurs amor Dei intellectualis, un "amour"  naissant à la fin, telle la chouette de Minerve qui ne prend son envol qu'à la nuit, naissant comme résultat du parcours philosophique de la recherche des vérités), des arts, trop "dionysiaques", en particulier musique et poésie, et surtout bien sûr en nos temps de la politique. La direction de la Cité ne peut et doit être confié qu'à des hommes absolument bons et désintéressés, sinon il arrivera ce qui s'est produit dans TOUS les régimes communistes (et bien sûr aussi en régime capitaliste, mais là c'est la conséquence naturelle dirons nous puisque le capitalisme ne jure que par le profit, réalisé aux dépens de la collectivité) et dont on vient encore de voir la tragique confirmation avec le tremblement de terre en Chine : toutes les écoles se sont effondrées sur les enfants, car les autorités locales du parti communiste, complètement corrompues, ont préféré s'en mettre plein les poches aux dépens de la sécurité des enfants des autres. Bien sûr les "camarades" me rétorqueront que la chine actuelle n'a plus rien de communiste, mais je leur demanderai si une fois un communisme véritable a vu le jour, et où... je suis sûr de devoir attendre très longtemps la réponse...mais de toutes façons je la connais : il n'a jamais vu le jour, ce communisme véritable, car il n'apparaitra que lorsque assez d'hommes absolument bons auront vu le jour et pourront prendre en main les affaires de l'humanité...ce qui n'est pas demain la veille ! et en tout cas je m'avoue pour ma part bien incapable de me charger d'un tel devoir, car je suis loin d'être un homme bon... là encore on pourra m'accuser d'être une "belle âme" refusant de se "salir" et de salir sa conscience si pure... sauf que la mienne est loin d'être belle et pure... mais cela di j'avoue n'avoir pas la réponse à cette accusation, ce qui montre qu'elle doit être fondée !

    Je terminerai en prenant les trois formes du MAL en flagrant délit (ou plutôt flagrant délire) de collaboration, et ce dans l'actualité la plus récente, puisqu'il s'agit de la question des "sans papiers".

    Que l'ultragauche internationaliste et universaliste prenne fait et cause pour l'immigration incontrôlée, à l'exemple de l'organisation politique de Badiou dont le mot d'ordre est : "Celui qui est ici est d'ici", cela est parfaitement compréhensible.

    Que les mouvances islamiques aillent dans le même sens dans un dessein d'islamisation par présence massive de populations musulmanes de plus en plus désorientées et exploitées, là aussi c'est tout à fait compréhensible.

    Mais nous avons eu la surprise (divine surprise pour certains) de voir récemment le patronat militer sans vergogne pour la "régularisation" des sans papiers "en grève", et bientôt sans doute pour la régularisation globale, au nom des impératifs de la machine économique. Je dis "nous", mais je n'ai aucunement été surpris pour ma part, puisque là encore c'est parfaitement compréhensible. Mais les profits à court terme de l'économie, c'est à dire en fait de ceux qui dirigent certaines entreprises, vont directement contre l'intérêt public, et contre celui des "sans papiers" eux mêmes. Car les conséquences sur le niveau scolaire de l'accumulation de popualtions étrangères, parlant souvent très mal le français, sont dramatiques, alors même que la politique de désendettement public exige que l'on diminue le nombre d'enseignants... et la pression à la "baisse des salaires" entretenue par cet afflux de main d'oeuvre clandestine, donc docile, est là aussi en contradiction évidente avec une politique prétendant "augmenter le pouvoir d'achat des masses laborieuses".

    Mais, et c'est là où je parle de "délire", on doit bien convenir que ces "régularisations" affaiblissent, voire même détruisent, toute validité d'une loi quelconque. Car enfin : ces sans papiers, avouent eux mêmes avoir trouvé du travail "en présentant des papiers falsifiés".

    Je ne suis pas juriste, mais il me semble qu'il y a là "faux et usage de faux", passible de prison en temps normal, et en tout cas pour toute personne autre que "sans papiers". Nous avons donc là un nouvel exemple du fait que la générosité et la lutte contre les discriminations se retourne implacablement en son contraire, puisque certaines personnes ne sont pas poursuivies après avoir reconnu faire usage de papiers falsifiés.

    Ce délire de régularisation à tout prix va de pair avec l'obsession de notre Zeitgeist occidental pour la "promotion de la diversité".

     Le prétexte en est bien sûr très généreux en apparence, il s'agit de "lutter contre les discriminations". Mais il n'existe aucune preuve scientifique de ces prétendues "discriminations", bien au contraire comme le montre l'article suivant :

    http://www.rebelles.info/article-19573723.html

    en réalité le but est tout autre, et de nature idéologique... mais il est une question que je me pose depuis longtemps sans jamais obtenir de réponse : le métissage généralisé va contre la diversité, vers l'homogénéisation des populations. Donc, de deux choses l'une dans un pays "multiculturel" comme le sont maintenant tous les pays occidentaux : soit l'on ira contre le métissage pour garder la diversité des "communautés", et alors on tombera dans le "racisme"... soit l'on favorisera le mélange et l'on détruira toute diversité, et toute particularité.

    Mais n'est ce pas là le but "caché" des trois têtes de l'hydre dont j'ai parlé ici ?

     

     


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  • Ceux qui cobnfondent philosophie et sociologie , réflexion et conversation de salon, s'extasient devant la découverte d'une nouvelle lettre d'Einstein, adressée en 1954 au philosophe Eric Gutkind,  qui assimile la croyance en Dieu à une superstition enfantine ("infantile" serait mieux choisi, mais passons):

    http://www.cyberpresse.ca/article/20080513/CPSCIENCES/80513113/-1/CPSCIENCES

    Mais peut on dire que le physicien-philosophe Einstein (car il était les deux, et c'est sans doute l'un des derniers savants-philosophes, ce qui explique d'ailleurs l'impasse actuelle de la physique théorique et donc de la science, comme le reconnait Lee Smolin) était "athée" ? lui dont les aphorismes comme "je ne peux croire que Dieu joue aux dés", sont devenus célèbres ?

    Il est d'ailleurs difficile de donner un sens précis au mot "athéisme", pour les mêmes raisons qu'il est difficile d'en donner un au mot "Dieu" ! je rappelle que c'est ici mon but ultime, défricher le terrain "intellectuel" pour une compréhension de ce que peut être le "Dieu des philosophes", mais il y a loin de la coupe aux lèvres !

    Le problème est posé par Jules Lagneau :

    "Affirmer que dieu n'existe pas est le propre d'un esprit qui identifie l'idée de Dieu avec les idées qu'on s'en fait généralement, et qui lui paraissent  contraires aux exigences soit de la science soit de la conscience".

    Ce qui motive les remarques suivantes de Brunschvicg (qui a réservé au mot "Dieu" un chapitre de son dernier livre "Héritages de mots, héritages d'idées", c'est sans doute pourquoi il n'a pas jugé utile d'en réserver un au mot "athéisme", ce que je juge parfois regrettable):

    «La confusion des vocabulaires risque de lier à un même sort , d'entraîner dans une chute commune, la religion conçue comme fonction suprême de la vie spirituelle et les religions données dans l'histoire en tant qu'institutions sociales. Celles ci comportent un Dieu particulier qu'on désignera par un "nom propre";son culte et ses attributs sont définis dans des formules de symboles qui sont naturellement conditionnées par le degré où la civilisation était parvenue à l'époque de leur énoncé»

    (ajout de ma part ici : il faudrait aussi examiner l'endroit où ce Dieu particulier est né, car "la civilisation" n'est homogène ni selon les époques ni selon les lieux...et il me semble que le problème de la validité de l'Islam reçoit alors une solution définitive, qui risque de n'être pas du goût de nos amis Malek Chebel ou Abdelwahab MeddebMort de rire)... mais laissons ces perfidies islamophobes, dont je m'excuse par avance, et reprenons les propos de Brunschvicg:

    «le progrès du savoir scientifique et le raffinement de la conscience morale se tournent alors en des menaces contre la tradition des dogmes qui tenteront d'y échapper par le saut brusque dans le mystère de la transcendance. Pourtant, si la science porte avec elle la norme du vrai comme la conscience morale la norme du bien, le devoir de la pensée religieuse est d'en chercher l'appui bien plutôt que d'en fuir le contrôle.

    Reconnaissons donc qu'il y a dans l'effort intellectuel du savant, dans la réflexion critique du philosophe, une vertu de désintéressement et de rigueur avec laquelle il est interdit de transiger»

    Ces lignes nous mettent d'emblée "sur la bonne route" pour la compréhension de ce qu'il faut faire et penser, comme c'est presque toujours le cas avec Brunschvicg... le "Dieu des philosophes et das savant", dont j'ai parlé ici quelquefois, n'y est pas nommé ni conceptualisé, mais  il apparait en filigrane dans la tâche à accomplir, tâche d'humilité et de fidélité...et je suis désolé de dire que les "religions traditionnelles sont ici jugées".... notre époque aussi, puisque l'on sait que le mot "rigueur" nous donne des boutons et met Messieurs Fillon et Sarkozy dans des transes indescriptibles !Mort de rire

    mais on aurait pu attendre des "autorités morales religieuses" un peu plus de vertu ! or leur attitude devant la science , depuis que celle ci est née il y a 4 siècles, a été d'abord de haine et de tentative de destruction et de meurtre, puis de silence et de fuite dans la transcendance ("chacun chez soi" : à nous le monde intelllgibile, à la science le monde opératif de la technique), ou bien d'accomodement, sinon raisonnable, du moins intéressé : on cherche et on prend dans la science ce qui nous semble confirmer les dogmes, on laisse le reste... mais il arrive qu'on se trompe tellement la science est devenue complexe techniquement parlant ! et les conséquences en sont déplorables...

    Je citerai aussi Lachelier, autre grand maitre en (véritable) spiritualité et en philosophie, ce qui est tout un :

    «par religion je n'entends pas les pratiques religieuses ou les croyances particulières qui trop évidemment varient d'un état social à un autre. Mais la vraie religion est bien incapable de naître d'aucun rapprochement social; car il y a en elle une négation fondamentale de tout donné extérieur et par là un arrachement au groupe, autant qu'à la nature»

    là encore les religions positives, celles de dieux à noms propres, sont jugées, en particulier celles qui n'ont à la bouche que le mot "oumma" (=communauté) et la fidélité à de prétendus commandements divins qui sont en fait inventés par des hommes trop humains ( qui a pu avoir l'idée de forcer les femmes à se voiler "au nom de dieu", sinon des hommes lascifs, faibles devant la chair et donc frustrés et jaloux ?)

    mais le problème, ou plutôt l'aporie de l'athéisme, est aussi posé : car s'il consiste à affirmer et démontrer que "Dieu n'existe pas", je ne vois que deux manières de le faire :

    - soit Dieu est une entité physique, "existant" dans l'extériorité spatio-temporelle, et alors la "démonstration" cherchée est redevable à la physique

    - soit c'est un "être de raison", et alors son existence, ou inexistence, est du domaine de la mathématique, si du moins elle doit être prouvée rigoureusement ....

    dans les deux cas je demande : mais quelle sorte de Dieu est ce là ?

    On se gardera donc d'orienter la compréhension des grands philosophes vers un athéisme conçu comme un "mol oreiller pour nous autres modernes"; avec Descartes c'est facile, il se revendique chrétien; avec Spinoza et son disciple Einstein c'est un peu plus obscur...

    j'ai trouvé ce matin ces quelques lignes de Jean-Marie Vaysse, elles sont extraites du début de "Totalité et finitude; Spinoza et Heidegger" et font bien le point sur notre problème:

    «l'entreprise spinoziste consiste à détruire la métaphysique en sa figure onto-théologique et à élaborer une ontologie fondamentale, en montrant comment tous les discours sur l'être qui ont été tenus jusque là finissent toujours par en faire un étant subsistant et transcendant... on finit ainsi toujours par le concevoir comme un individu créateur, la philosophie rejoignant alors la superstition du vulgaire et le Dieu des philosophes n'étant jamais qu'une sublimation théorétique du dieu des religions révélées.

    L'athéisme ne change rien au problème car il n'est que l'envers du théisme rationnel. Le simple rejet de la théologie rationnelle ne permet pas d'en exhiber le mécanisme et le rejet de la religion ne permet pas non plus d'en saisir la genèse.

    le problème de l'athéisme, s'il est encore permis de faire usage de ce terme, est en fait d'ordre topologique. Il ne sert à rien de proclamer que dieu n'existe pas, si l'on substitue une transcendance à une autre, le sujet ou l'absolu à dieu , et si l'on ne pense pas la question de la localisation de la transcendance, qui fait qu'elle occupe une position d'éminence...

    Deus sive natura : Dieu est partout et donc nulle part, il ne se situe en aucun lieu privilégié, "l'athéisme" ne consistant point en une négation de l'existence de Dieu, mais en son affirmation généralisée comme totalité infinie»

    ces lignes (et ce livre tout entier) sont à méditer, rien que par le fait qu'elles nous adressent un avertissement, à nous qui voulons "garder" le "Dieu des philosophes et des savants" , touchant à la tentation d'en faire une sublimation théorétique du Dieu des religions....

    mais Einstein, Brunschvicg et la physique ultérieure sont là pour nous garder de cette ornière...Mort de rire

     

     

     

     


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  • Je voudrais avant de continuer sur le sujet du précédent article (titré "le Mal radical") préciser une chose : il n'est pas question ici de céder aux tendances de l'époque et de me poser en "petit saint", ou en "belle âme bien propre" qui vient geindre sur la méchanceté de ses contemporains. Et, pendant que j'y suis, je rappelle (mais tous ceux qui lisent encore ce blog doivent évidemment le savoir) que l'idéalisme philosophique dont nous nous réclamons ici, à la suite de Brunschvicg et Husserl , n'a rien à voir avec ce que l'on signifie généralement par ce mot "idéalisme" (à savoir le discours de quelqu'un d'un peu niais, qui croit encore que les grand idéaux humanitaires vont gagner incessamment sous peu et que demain on rasera gratis et que ma belle voisine me roulera des pelles dans l'ascenseur)......

    les Alcooliques anonymes ont une belle formule à ce sujet : ils se caractérisent comme "des idéalistes en faillite".

    Comme quoi on peut toujours s'en sortir... allez vite rassurer Robert Ménard Mort de rire

    L'idéalisme, sous la version métaphysiquement  "minimaliste" que nous adoptons ici, cela consiste simplement à reconnaitre que c'est l'esprit qui a le pas sur tout le reste (s'il y en a...et il y en a , sinon nous tomberions dans l'idéalisme à la Shankara revisité par  "neuneus blog"); ce n'est rien d'autre que la façon de voir de Descartes, puis de Kant, ainsi d'ailleurs que du Dhammapada bouddhiste qui commence par "Le mental est avant-coureur des phénomènes".

    Non je ne suis pas une belle âme, je ne suis pas , hélas, un homme bon, loin de là... et il n'y a rien d'étonnant à cela, car je tiens, comme je l'ai je crois déjà dit, que les gens vraiment bons (c'est à dire capables de l'amour absolument désintéressé, de l'amor intellectualis Dei) sont très rares...ce qui est difficile est rare. Pour être vraiment "bon" il faut avoir parcouru tout le chemin philosophique décrit par Spinoza ou Brunschvicg, ce qui est très difficile et réclame le travail acharné de toute une vie (à condition de commencer tôt, et de ne pas perdre des années dans la triste quête de l'amour, ou, ce qui revient au même, du sexe, ou de la richesse, ou des vacances, et autres "divertissements"). Et c'est un corollaire de ceci que ceux qui "paraissent bons" (les religieux, les "bonnes âmes" chrétiennes ou autres) ne le sont pas réellement (bien qu'ils ne le sachent pas) . On a vu d'ailleurs il y a 65 ans ce qui se cachait derrière l'amour chrétien universel...mais bien entendu, "cela n'engage que moi" (comme on dit encore aux Alcooliques anonymes).

    Pour reprendre la formule d'un célèbre imbécile avec qui j'ai eu des démêlés dans le passé (l'animateur "spinoziste" tendance Constantin Brunner des forums et blogs "Philosophie contre superstition" http://philosophiecontresuperstition.over-blog.com/ ) : "je n'ai rien à vous vendre". Mais moi je le dis sérieusement Clin d'oeil

    Puisqu'encore une fois j'ai cédé à la détestable tendance qui consiste à parler de soi même, je  commencerai à attaquer le vif du sujet en soulignant une tension , qui a pris pour moi une importance toute particulière mais qui possède un sens universel, entre deux livres, deux très grands livres, très différents d'ailleurs : la nouvelle de Dostoïevsky "Le sous-sol", et le roman "hermétique" de Thomas Mann : "La montagne magique".

    Dans le "Sous sol", qui a été appelée par un critique "une dissection du démoniaque", Dostoievsky met en scène un anti-héros de la Russie du 19 ème siècle, une sorte de "nihiliste" précurseur des bolchéviques : petit fonctionnaire médiocre et méprisé de tous, il rencontre une prostituée au grand coeur comme Dostoievsky savait en dépeindre, qui tombe amoureuse de lui... mais lui , par peur, par sentiment de n'être "pas à la hauteur de cet amour", et aussi par pure méchanceté, détruit cette pauvre âme naïve en lui jetant de l'argent alors qu'elle lui avait donné son amour...Horreur ! ce qui est intéressant c'est qu'au cours de leur dernier dialogue il lui avoue la vérité sur lui même :

    "je ne peux pas...être bon".

    Comment pourrait on ne pas être bon, si l'on veut réellement l'être ? quand on veut, on peut...comme dirait ce crétin de Sarkozy, qui est tout à fait à sa place à la messe le dimanche matin, il doit même avoir quelques polissonneries à se faire pardonner en confession... un c(h)réti(e)n moderniste, dirons nous !

    eh bien non ! il faut vouloir être bon !

     bien sûr, ce n'est que le premier pas, et ce n'est pas donné à tout le monde (tout le monde se croit bon, donc peu le veulent, le désirent réellement, car on ne peut désirer que ce qui nous manque) mais cela ne suffit pas; le "bien" est médiatisé par le vrai, le "devenir bon" passe par le chemin ardu (philosophique) de la recherche de la vérité... et comme disait notre Maitre Satan dans le grandiose poème de Milton :

    "Long et difficile est le chemin qui de l'enfer conduit à la lumière"

    "Le sous-sol" se termine sur le monologue du triste sire qui en est le "héros", qui là encore nous livre la vérité sur lui même son époque (et l'on comprend qu'il ne pouvait en sortir que la révolution bolchévique et ses horreurs ) : qu'est ce que vivre ? nous ne savons plus ce que c'est que la vie, où ça se niche....nous voulons naître désormais directement de l' esprit, plus d'un père biologique....

    et il termine par "je ne veux plus faire entendre ma voix souterraine"

    et Dostoievsky ajoute : "l'auteur n'a pas pu être fidèle à sa promesse, il a repris la plume... mais il nous semble à nous aussi qu'on peut s'arrêter ici".

    Je pourrais me reconnaitre dans bien des traits du triste personnage du "Sous-sol", et dire moi aussi : "je ne peux pas être bon"... si toutefois je suis sincère !

    Dans la "Montagne magique" de Thomas Mann, le personnage central est un jeune étudiant (se destinant à devenir ingénieur) un peu benêt , Hans Castorp, qui, venant visiter pour 3 semaines son cousin malade au sanatorium de Davos au cours de l'été 1907, se découvre un "talent pour la maladie" sous la forme d'une tache humide au poumon : il restera finalement 7 ans, jusqu'à l'été 1914, au sanatorium, une période "hermétique" au cours de laquelle il sera soumis aux grands dangers de la "séduction de la mort et de la maladie" , mais finalement il trouvera son "salut" et un "songe d'amour" le visitera, impulsé par le charme "asiatique" de la belle russe Clawdia Chauchat. Et Thomas Mann laissera son héros, ce brave enfant gâté de la vie, sous le déluge de feu et de boue de la guerre, le livre finissant par : "l'Amour s'élèvera t'il un jour ?"

    Bonne question !

    Mais l'épisode central et "initiatique" du récit est à mon avis la promenade à skis solitaire de Castorp au cours de laquelle il est pris dans une tempête de neige et manque de peu de mourir ; sous l'effet du froid, de la peur, de la faim et disons le, aussi du porto, il a deux "visions", l'une dionysiaque et effrayante (une vieille femme qui dévore des enfants) , l'autre apollinienne (de beaux jeunes gens nus se promènent enlacés sur la plage et se récitent de beaux poèmes) et fait alors un "choix" pour la vie, une décision spirituelle qui s'énonce ainsi :

    "Je veux être bon"

    sauvé !

    Telle est la tension dont je parlais plus haut ...

    Hans Castorp représente la "voie médiane" , écartelé qu'il est, ce brave enfant bourgeois gâté par la vie , entre les deux autres personnages qui tentent de prendre l'emprise sur lui :

    - Settembrini, le "révolutionnaire garibaldiste" qui représente l'idéal des Lumières, et n'a de cesse d'inciter Castorp à quitter la sanatorium, ce "chaudron des sorcières", pour retourner dans la plaine et devenir un ingénieur utile à ses semblables, loin des "séductions de la mort et de la maladie"... et  il le mettra en garde aussi contre les charmes de l'Asie, ceux de Clawdia la belle russe : "c'est l'Asie !" ....

    - Naphta le jésuite, qui représente la tentation "réactionnaire" de retour (régression) aux temps d'avant les Lumières, où "tout venait d'En Haut"

    à la fin les deux , Settembrini et Naphta, se battront en duel : le sort désignera l'italien pour tirer le premier, mais il refusera de tuer un homme et tirera en l'air... Naphta lui crachera alors son mépris à la figure ("lâche !") et se suicidera devant lui !

    Il n'est pas difficile de voir que Naphta conduit au nazisme, Settembrini au capitalisme mondialisé d'après guerre, et le triste sire du "Sous sol" au bolchevisme ....

    telles sont les trois composantes du Mal (non absolu puisque j'ai montré que cette notion est inconsistante) mais "radical" qui nous accompagnent ici et maintenant, à quelques variations près : la principale étant que le nazisme a évidemment disparu, j'ai dit qu'il a "mué", en fait il me semble qu'il se répartit en les trois composantes réelles du Mal qui nous entourent  actuellement, nous les vrais Européens : Islam, capitalisme "occidental" mondialiste, et reliquats du communisme et ce qui va avec (gauchismes, etc..). Mais évidemment cette répartition n'est pas symmétrique, c'est évidemment l'Islam (et non un prétendu "islamisme") qui hérite de la façon la plus visible de la violence démente et totalitaire du nazisme, comme l'ont montré des livres comme "Le croissant et la croix gammée", et comme en témoigne le fait bien connu que des officiers nazis dirigeaient en sous-main l'offensive arabe contre l'Israel naissant en 1948

    Moi aussi je pourrais dire à ce stade que "je ne veux plus faire entendre ma voix souterraine"... mais j'ai bien peur que pas plus que par le passé (j'ai créé déjà bien des blogs comme celui ci) je ne sois fidèle à ma résolution....

    cet article aura donc sans doute une suite


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  • J'entends saluer ici la mise à disposition, en lecture libre sur Internet, d'un nouveau texte de Léon Brunschvicg (1869-1944), l'un de ses  livres les plus importants car son dernier, terminé le 10 novembre 1943 à Aix Les Bains (alors qu'il avait dû fuir Paris  et l'invasion allemande en juin 1940) , deux mois avant sa mort qui eut lieu le 18 Janvier 1944.

    Ce texte est disponible à l'adresse suivante :

    http://classiques.uqac.ca/classiques/brunschvicg_leon/heritage_de_mots_idees/heritage_de_mots.html

    Livre des plus importants dans sa brièveté et sa simplicité même, et même dans son dépouillement dirais-je, terme le mieux à même du philosophe qui a toute sa vie cherché à réaliser la "pauvreté en esprit" dont parle l'Evangile, un idéal auquel le christianisme a dd'ailleurs été infidèle, et c'est sans doute là l'explication de tous les malheurs qui nous accablent aujourd'hui.

    Brunschvicg y récapitule toute son oeuvre et toute sa philosophie en quelques 80 pages qui sont d'une densité sans doute sans égale dans la littérature de tous les temps, mis à part évidemment certains textes de ses "inspirateurs" Descartes et Spinoza (je pense au début du Traité de la réforme de l'entendement par exemple).

    C'est un livre pour tous et pour personne, pourrait on dire en reprenant une formule de Nietzsche; un livre d'une lecture tellement facile en apparence qu'on pourrait (et qu'on devrait) le donner à un jeune enfant pour l'initier à la vraie philosophie, qui se situera toujours au delà des lourdeurs de style et des obscurités voulues de quelques penseurs célèbres, j'aurai la charité de ne pas prononcer ici leur nom.

    Si on lit ce livre, ce qui est facile, et l'affaire d'une heure ou deux tellement c'est passionnant, et si on le comprend (ce qui est un peu plus difficile Clin d'oeil), on est "vacciné" pour la vie contre tous les sophismes des prétendus "philosophes", politiques,  stars médiatiques et autres "maitres penseurs" ( voire "maitres censeurs" Mort de rire).

    Le titre lui même résume à lui seul toute la pensée de Brunschvicg et son "sens", qui est d'opposer le spiritualisme de l'idée pure à l'idolâtrie des mots. Oui, je ne crains pas de prononcer ce mot qui de nos jours est devenu une obscénité : "spiritualisme". Et on le comprend quand on pense à l'usage qui en a été fait par des sectes ou autres "écoles" de (prétendue) pensée. Mais si je ne crains pas de le prononcer c'est justement avec l'autorisation que m'en donne le livre, qui permet de discriminer (autre mot qui est devenu obscène, pour d'autres raisons) le "mot" comme pure étiquette et ce qu'il est censé représenter, ou symboliser. D'ailleurs il y en a tellement d'autres, de ces mots, qui sont devenus obscènes ou en tout cas "fâcheux", ridicules, scandaleux...et la liste des thèmes abordés par le livre en compte plusieurs : raison, expérience, liberté, amour, Dieu, âme...

    Brunschvicg décèle l'origine de cette rupture, entre pensée et expression, entre Esprit et langage, chez les Grecs avec le double sens du mot Logos, à la fois pensée et parole; fidèle à ses prédecesseurs et inspirateurs Descartes, Spinoza et Malebranche , qui opposent, chacun à leur façon, le Verbe intérieur aux "préjugés des sens sur lesquels le langage se forme", il n'aura de cesse d'aider l'humanité à remonter la pente (fatale) qui la fait descendre du niveau de l'idée, de l'amour intellectuel de Dieu, à celui des "discutailleries" stériles et autres "tournant langagiers".

    Et pour cela, Brunschvicg, c'est là sa marque distinctive (et son honneur) ne craindra pas de provoquer une scission à l'intérieur du rationalisme lui même, puisqu'il s'en prendra aux penseurs qui en apparence auraient pu être jugés les plus proches de lui de par leur idéalisme, car il s'élève à la fois contre l'esprit de système total (Hegel) et le logicisme auxquels il oppose le dynamisme de l'intelligence et de l'analyse mathématique.

    Mais tout cela semble peine perdue, et après 1945 l'humanité a continué à descendre la pente, à cadence accélérée.... jusqu'à ... jusqu'où au fait ?

    Il suffit de prendre quelques exemples tout récents pour montrer à quel point nous mène l'idolâtrie des mots (envisagés séparément par abstraction de ce qui seul les légitime : la pensée pure) :

    - la ridicule querelle sur le point de savoir s'il faut parler de "rigueur" ou non à propos de la politique économique du gouvernement Fillon

    - l'affaire de la banderole insultante envers les ch'tis : on a vu, au cours du JT, s'opposer le président du PSG qui reconnait un signe xénophobe mais non raciste au président du stade de Lens qui parle de "racisme régional" (c'est nouveau, ça vient de sortir). On croit rêver devant tant de bêtise et d'hypocrisie... la bêtise principale étant de consacrer une partie du journal télévisé national à une telle broutille...mais nous n'en sommes plus à ça près, en France !

    Mais quittons ces marécages pestilentiels et revenons au livre, "Héritage de mots, héritage d'idées"... on lira avec une attention spéciale le chapitre consacré au mot(et à l'idée) "Dieu".  L'opposition (qui forme l'un des thèmes principaux de ce blog) pascalienne entre le dieu à noms propres de la tradition judeo-islamo-chrétienne et le Dieu de le pensée universelle, le Dieu-Raison, le Dieu des philosophes et des savants, y est abordée avec une force magistrale:

    "Parler de Dieu à un enfant, c'est lui apporter, ou lui imposer, un faisceau suffisant de réponses pour le garder, son existence durant, à l'abri d'une curiosité dangereuse".

    tout est dit ... et la calamité des religions traditionnelles, cultuelles, "sociologiques", celles que l'on hérite à la naissance, dénoncée.

    Le rationalisme de Brunschvicg est le même que celui de Spinoza : il est à vocation religieuse, sa visée la plus haute est une réforme (révolution ) totale de l'esprit humain afin de favoriser l'émergence de la véritable religion, celle de la raison universelle des esprits, selon la belle expression de Malebranche. Les commentateurs de l'Ethique s'interrogent depuis plus de 3 siècles sur l'énigme du spinozisme qui tient tout entière entre l'apparente contradiction entre les quatre premiers livres de l'Ethique, qui concluent à un déterminisme et une nécessité absolue régnant sur les phénomènes (y compris ceux touchant à l'homme) et la merveilleuse liberté intérieure décrite au livre 5 comme "amor Dei intellectualis", et comme idéal et promesse de la voie philosophique.

    Mais la contradiction n'en est pas une, et le rationalisme, si toutefois il ne tombe pas dans les ornières d'un certain naturalisme ou empirisme, est le seul qui puiise parachever les promesses du mysticisme, comme le dit si bien Brunschvicg au chapitre sur "Dieu" (pages 64 sq):

    "le mysticisme semble incapable de subsister en équilibre à son propre niveau. Ou il acceptera de descendre, et désavouera ce même idéal de spiritualité qu'il avait commencé par proclamer, ou bien le rationalisme interviendra pour le soulever au dessus de lui même et le mener jusqu'au bout de son aspiration , jusqu'à la claire et pleine intelligence de l'unité de l'Un".

    L'objectivisme absolu, qui est celui du spinozisme comme de la science , est donc compatible avec le spiritualisme absolu de l'idée pure, de l'amour intellectuel de Dieu : l' esprit trouve sa liberté en objectivant ce qui est "au dessous de lui", ce qui n'est pas lui, la Nature, et il ne peut se libérer qu'en objectivant! il trouve alors qu'il se confond avec Dieu, un Dieu qui n'a rien à voir avec celui des différentes traditions cultuelles et de leurs théologies car : "quand on parle de Dieu comme d'un objet, et puisque cet objet n'est donné nulle part , il faut bien qu'il soit imaginé. il devient alors inévitable que l'imagination trahisse Dieu en le représentant sur le modèle des créatures humaines, ou, si elle prétend s'affranchir de cette malheureuse subordination, elle déserte et tombe dans le vide" (ce "vide", c'est par exemple celui de la théologie négative, expressément refusé par Spinoza)

    "ce qui désormais s'oppose au surnaturel, ce ne sera donc plus la nature, mais bien le spirituel, ramené à son acception authentique par l'effort de réflexion idéaliste qui a dû se déployer à contre-courant des formes ancestrales du langage" (ce "à contre courant", c'est évidemment l'analyse mathématique).

    Parmi les autres livres ou articles de Brunschvicg, on trouvera "Les étapes de la philosophie mathématique" (sans doute son ouvrage le plus important, le plus commenté en tout cas, et qui n'a pas pris une ride) à cette adresse du site de l'université du Michigan:

    on trouvera aussi un grand nombre d'articles parus dans la "Revue de métaphysique et de morale" (qu'il avait fondée en 1893 avec Xavier Léon) sur le site de la bibliothèque nationale Gallica:

    http://gallica.bnf.fr

    (taper "Brunschvicg" en mot clé dans le cadre "recherche libre" ou "auteur", ou bien cliquer sur "périodiques" pour trouver la Revue de m'étaphysique et de morale).

    Un autre livre important de lui, "De la vraie et de la fausse conversion", a paru sous forme d'articles dans plusieurs numéros de la revue à partir de 1930, voici les adresses de différents morceaux du livre:

    http://gallica.bnf.fr/ark:/12148/bpt6k112646/f1.item (chapitre 1,  aller pages 279-297)

    http://gallica.bnf.fr/ark:/12148/bpt6k11271g.item (chapitre 2, aller aux pages 187 à 235)
     
    http://gallica.bnf.fr/ark:/12148/bpt6k11278w (chapitre 3, aller pages 17 à 46)
     
    http://gallica.bnf.fr/ark:/12148/bpt6k112797.item (fin du chapitre 3, aller page 153 pour le début du texte de Brunschvicg))
     

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