• The americanization of Emily (Les jeux de l'amour et de la guerre)

    Ce délicieux petit film provocateur comme on les aime, date de 1964 et a été réalisé par Arthur Hiller, au moment où les USA étaient en train de s'empêtrer dans le bourbier vietnamien...

    voir les liens suivants sur ce film :

    http://www.lewrockwell.com/gee/gee10.html

    http://en.wikipedia.org/wiki/The_Americanization_of_Emily

    Je ne crois pas qu'il pourrait être réalisé aujourd'hui, compte tenu par exemple de ces scènes du début, où le commandant Charles Madison (excellement joué par James Garner, qui était dans la "Grande évasion" l'américain chargé dejouer les pickpockets) , qui est un "dog-robber", un officier d'ordonnance dont le rôle est d'approvisionner son "général" en tout ce dont il peut avoir envie (tout , tout, tout, vraiment tout Mort de rire) met la main aux fesses de toutes les anglaises qu'il rencontre et reçoit pour toute réponse un jovial "Salut Charlie ! contente de te revoir !"

    Mais bien entendu les "politically correct" à la sauce contemporaine aurait tort de se polariser là dessus car le véritable aspect "scandaleux" du film est ailleurs.

    Madison est un "planqué", qui se définit lui même, quand on lui demande sa religion, par : "poltron pratiquant" (un peu à la manière anarchiste de Louis Ferdinand Céline dans le "Voyage", au début, quand il est soldat et discute avec Lola). Ce qui lui permet de se livrer à une critique sans concessions de l'europe et des européens : "vous les européens ! avec vos idéaux et vos principes ! vous ne supportez pas de nous voir arriver en masse chez vous persuadés que nous pouvons tout acheter avec des parfums, du chocolat, tout ce que vous désirez désespérément depuis des années.... mais vous oubliez qu'Hitler et Mussolini sont européens, pas américains, et issus de 2000 ans de fanatisme, de superstition bigotte et d 'avidité".

    Le ton est donné, la séparation bien tranchée entre "américains pragmatiques, égoïstes, cyniques et réalistes" et "européens idéalistes et pétris de grands principes universels". Mais il y aura amour entre l'anglaise Emily (Julie Andrews) et l'américain jouisseur et poltron  qui finalement se révèlera moins cynique qu'il n'y paraitpuisqu'il voudra révéler au monde la "vérité" dernière qui se cache derrière le "grand récit" imaginé par un général mégalomane et schizophrène du "premier mort d'Omaha"... à tel point qu'on se demandera si c'est Emilie qui est américanisée ou Madison qui est "anglicisé".

    Finalement, le film est bien représentatif de cet état d'esprit d'après guerre, refusant l'hypocrisie des grands idéaux qui n'avaient pas empêché la catastrophe de la guerre, et qui culminera avec les grandes révoltes estudiantines de 1967-68 un peu partout dans le monde (et donc aussi en France avec Mai 68, que certains veulent célébrer et d'autres éradiquer....honneur excessif dans les deux cas).

    Badiou a correctement défini cette attitude comme "matérialisme démocratique". Et il n'est pas difficile de voir à quoi elle conduit : au nihilisme moderne (ou post-moderne).

    Car il est impossible de vivre "seulement pour vivre", seulement pour le plaisir, pour fonder une famille, travailler, prendre du bon temps...et puis mourir.

    Enfin si, c'est possible, mais pas longtemps, à l' échelle d'un pays ou d'une société.

    La critique de la guerre, de toute guerre, est excellemment faite par Emily et sa mère dans les scènes de la fin, qui sont à la fois très drôles et belles : glorifier la mort héroïque du "premier mort d'Omaha", c'est absolument "païen" (selon les termes mêmes employés dans le film).

    qu'est ce que c'est, ce qui est "païen" ? c'est de pallier au nihilisme impulsé par le "matérialisme démocratique" et son absence de "sens" par des "idoles", des objets ou des récits chargés de sens "imaginaire" : héroïsme sacrificiel, à la fois chez les Alliés et les allemands, idéologie raciale d'Hitler, etc...

    Seulement, et c'est ici que nous mettons notre grain de sel, si l'on réfléchit à l'essor historique de ce qui s'est appelé "chrétien", on devra convenir que ce qui est chrétien, c'est aussi le plus souvent absolument "païen" ! (et aussi bien sûr ce qui est musulman, a fortiori).

    Quelle est l'erreur du commandant Madison (en dehors bien sûr de sa critique de l'hypocirsie des idéaux héroïques, avec laquelle nous ne pouvons être que d'accord) ?

    C'est de dire la phrase suivante : "pour ce qui est de la vertu, de la morale et de la vérité, je laisse ça aux soins de Dieu".

    Mais Emily a beau jeu de le mettre, à la fin du film, en face de ses contradictions : "comment ? c'est toi qui veut laisser à Dieu la vérité, et tu te proposes de risquer la prison et le déshonneur pour révéler au monde l'imposture de la hiérarchie militaire, en te drapant dans ta vertu ?"

    L'erreur repose dans la confusion entre le Dieu idolâtre et païen des religions (le Créateur) et le Dieu-Raison de la philosophie, qui est Vérité et source de Vérité.

    Car si Dieu est Raison , norme de vérité, et nous est radicalement immanent, alors cela ne peut avoir aucun sens de déclarer : "je laisse la vérité à Dieu et m'en lave les mains". Car Dieu, c'est nous, pour peu que nous soyions fidèles à notre travail de vérité et seulement à celui ci (car la vertu ne peut exister que sous condition de cette recherche en vue de la vérité).

    aussi ne sort t'on pas de l'athéisme pratique du "matérialisme démocratique" par un atéisme philosophique, fût la dialectique matérialiste de Badiou. ni bien sûr par le paganisme sacrificiel et mystificateur des idolâtries religieuses (chrétiennes ou musulmanes)

    Mais bien par la voie "intellectuelle" vers le Dieu des philosophes, qui n'est fondée que sur un seul principe (qui n'a rien à voir avec les grands principes hypocrites du conformisme social) : la progression illimitée vers la vérité par l'expansion infinie de l'intelligence dans le désintéressement absolu de l'amour.

     


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