• Vraie et fausse conversion : le cas de l'Islam et du Coran (sourate 9)

    J'écoutais l'autre jour l'excellente émission d'Alain Finkielkraut : "Répliques" (tous les samedis de 9h à 10 h sur France Culture) consacrée ce jour là à "Saint Augustin aujourd'hui", à l'occasion de la sortie d'une nouvelle traduction des Confessions d'Augustin par Frédéric Boyer (qui a modifié la traduction traditionnelle du titre pour "Les aveux").

    L'intérêt et la qualité de l'émission de Finkielkraut ne sont pas en cause, mais j'ai regretté que les intervenants passent tant de temps (la plus grande partie de l'heure) à propos de problèmes techniques de traduction, et aussi à propos d'un thème il est vrai inévitable quand on parle d'Augustin et du christianisme subséquent : la "question sexuelle".

    La traduction par "les aveux" est à mon avis un peu regrettable en ce qu'elle ne retient (en apparence du moins, au sens du terme qu'a pris de nos jours le mot "aveu") qu'une dimension moralisante de "péché et d'aveu" alors qu'il en existe d'autres dans le mot "confessions", et notamment celle de louange, d'actions de grâces : ce n'est certes pas moi qui vais m'en plaindre, mais quand on parle d'un des fondateurs de la spiritualité chrétienne, cela peut paraitre exagéré !

    Quoiqu'il en soit, Finkielkraut a mis le doigt sur la mutation radicale introduite par Augustin par rapport à la philosophie antique, qu'il connaissait parfaitement : le Dieu d'Augustin, le Dieu chrétien donc, est un Dieu vers lequel on se tourne, auquel on parle, auquel on se confie, sur l'épaule duquel on peut faire reposer son fardeau aux heures d'épreuve. Par contre l'Un plotinien n'est pas à rencontrer en face à face, il n'est pas question d'avoir un entretien avec lui, ni d'imaginer des pensées, sentiments ou intentions qu'il aurait à l'égard des créateures, prises individuellement ou dans leur ensemble.

    Finkielkraut a résumé tout ceci dans une formule : Augustin passe du "Dieu" de la philosophie au Dieu de la Foi, au Dieu d'Abraham.

    Il se situe donc ici dans la controverse qui oppose depuis Pascal le "Dieu des philosophes et des savants" au "Dieu d'Abraham".

    Brunschvicg quant à lui a une formulation encore meilleure, et surtout initiatrice, provocatrice à l'évolution spirituelle réelle :

    "Dieu n'est pas à rencontrer en face à face, mais d' esprit à esprit"

    ainsi que : "Dieu n'est pas un être dont il y a vérité (cad valeur de vérité, savoir s'il existe en vérité ou non), mais par lequel il y a la vérité", ce qui renvoie à la formulation de Spinoza dans le "Court traité" : "Dieu est la Vérité".

    ainsi le Dieu de la philosophie, de la vraie philosophie, c'est à dire pour nous, inspirés par Brunschvicg, Descartes, Spinoza et Einstein, de la philosophie et de la science unifiées , soit donc le "Dieu des philosophes et des Savants", est il la source dont nait la Raison, qui n'est rien d'autre que la recherche de la Vérité, la recherche de la source. Selon Brunschvig, le Dieu de Descartes doit être vu comme partageant avec l'homme une commune orientation vers la Raison. Il a peut être tort vis à vis du Descartes historique en faisant cette interprétation, puisque les livres d'Alquié ou de Laporte ("Le rationalisme de Descartes") mettent en évidence un Descartes qui était et est resté indubitablement chrétien (et ce, philosophiquement parlatn, non pas extérieurement, comme pourrait le laisser entendre son aveu "qu'il est resté fidèle au dieu de sa nourrice"). Mais si Brunschvicg a tort de manière factuelle, il a ses raisons, et il a raison Mort de rire.

    "Les confessions" est aussi un livre de philosophie, et Augustin est un grand philosophe, aucun doute là dessus. Mais le chrétien Augustin prend dans ce livre le dessus sur Augustin philosophe. Et le grand philosophe Jean-Luc Marion s'est même servi d'Augustin pour contrer Descartes et démontrer (selon lui) l'impossibilité du Cogito : j'ai assisté à ces conférences à l'Institut catholique de Paris, oui il m'arrive de pénétrer en ces lieux de perdition, muni de gousses d'ail et d'une flasque de vodka, on ne sait jamais ...et si je retrouve les notes que j'ai prises, je tenterai peut être d'expliquer pourquoi je ne saurais approuver Marion, même si je reconnais que je ne lui arrive pas à la cheville pour la culture philosophique !

    C'est là la tâche de l'humanité moderne de discriminer, dans l'héritage chrétien, entre l'amande savoureuse, le Logos philosophique, et l'écorce mythologique religieuse, et de ne pas jeter le bébé philosophique avec l'eau du bain chrétien. C'est encore plus nécessaire avec les grands fondateurs de la philosophie moderne que sont Descartes et Malebranche. Et la lecture de Brunschvicg nous y aide puissamment.

    Chez tout philosophe il existe un traité d'initiation , de tournure analytique, racontant les évènements arrivés, survenus à une conscience, et un traité d'exposition synthétique, dogmatique : chez Augustin ce sont les "Confessions" , par opposition à la "Cité de Dieu" ; chez Descartes ce sont les "Méditations" s'opposant aux "Principes de la philosophie"; chez Spinoza c'est le "Traité de la réforme de l'entendement" par opposition à l'Ethique; et enfin chez Hegel c'est la Phénoménologie de l'Esprit, qui retrace l'itinéraire de la conscience, son Odyssée, par rapport à la Logique, "science de la pensée divine avant la création du monde" !

    Nous n'entendons pas renoncer à l'initiation, à la conversion, mais cette conversion doit être selon nous intellectuelle, rationnelle, et non pas mystique ou religieuse : la spiritualité augustinienne, ou pascalienne, si tentatrice, n'est justement selon nous que tentation , elle ne mène qu'à l'illusion et au néant.

    Pour parcourir ce chemin d'initiation, de conversion intellectuelle, je ne saurais donc que recommander (plutôt que les lourdeurs hégéliennes) ces deux joyaux que sont les Méditations cartésiennes ("Meditationes de prima philosophia") , et le "Tractatus de emendatione intellectus" (Traité de la réforme de l'entendement)  de spinoza, suvies pourqoi pas de la Recherche de la vérité de Malebranche, mais accompagnées en tous les cas par le livre de Brunschvicg : "Vraie et fausse conversion", lisible sur Gallica, voir les références sur ce lien :

    http://groups.msn.com/Principiatoposophica/philosophie.msnw?action=get_message&mview=0&ID_Message=3&LastModified=4675651624129826958

    et je mettrai aussi le livre en ligne, peu à peu, sur :

    http://www.scribd.com/groups/view/3363-itinerarium-mentis-in-deum

    Mais l'on sait que toute détermination est négation, et que la voie négative a ses charmes, en théologie aussi bien qu'en philosophie : nous avons la chance, grâce à notre ami Allah-Mahomet, de disposer d'une exposition tout à fait lumineuse de ce qu'est la "fausse conversion", dans la Sourate 9 du Coran intitulée "At-tawbah", ce qui est traduit dans mon édition par "Le repentir", là encore à un niveau dégradé en moralisation par rapport au niveau de la spiritualité pure qui est celui de la philosophie selon Brunschvicg ou Descartes. Le chercheur de Vérité ne doit pas avoir peur de tourner ses pas même vers les fosses les plus obscures, j'ai bien pénétré à l'institut catholique, alors pourquoi aurions nous peur de lire le Coran ? après tout ce ne sont que des feuilles de papier , au moins cela ne donne pas la gueule de bois !Mort de rire

    Pour parfaire donc de manière négative l'initiation et la conversion cartésiano-brunschvicgo-spinoziste, je recommanderai donc la lecture de la sourate 9, dont j'offe ici aux lecteurs intrépides (il faut qu'ils le soient pour lire ma prose !) les "bonnes feuilles suivantes", en soulignant que le titre évoque à la fois le "désaveu des associateurs" de la part d'Allah au verset 1, et le repentir de ceux qui renoncent à l'association (de divinités à Allah au verset 118; c'est aussi la seule sourate qui ne commence pas par l'invocation d'Allah (bismillah) car elle introduit la guerre entre musulmans et mécréants.

    v 3 :"Et proclamation aux gens de la part d'Allah et de son messager , qu'Allah et son messager désavouent les associateurs ; si vous vous repentez ce sera mieux pour vous. Mais si vous vous détournez sachez que vous ne réduirez pas Allah à l'impuissance. Et annonce un châtiment douloureux à ceux qui ne croient pas"

    v 5 : "après la fin des mois sacrés (= Ramadan) tuez les associateurs partout où vous les trouverez ; capturez les, assiégez les et guettez les en toutes embuscades. Mais s'ils se repentent , accomplissent la Salât (prière) et acquittent la Zakât (aumône) alors laissez leur la voie libre : Allah est compatissant et miséricordieux"

    9  "ils troquent à vil prix les versets du Coran, ce qu'ils font est très méchant"

    11 : "nous exposons intelligiblement les versets, pour les gens qui savent"

    15  "Allah accueille le repentir de qui il veut, car il est omniscient et sage"

    21-22 : "Leur Seigneur leur annonce de sa part miséricorde et agrément, et des jardins où il y aura pour eux des délices permanents, où ils demeureront éternellement. Certes  il y aura auprès d'Allah une énorme récompense"

    28 : "les non musulmans (les associateurs) ne sont qu'impureté"

    29 : "Combattez ceux qui ne croient ni en Allah ni au Jour dernier, qui n'interdisent pas ce qu'Allah et son messager ont interdit et qui ne professent pas la religion de vérité (=l'Islam) "

    30 "Les juifs disent : "Uzayr est fils d'Allah", et les chrétiens disent: "le Christ est fils d'Allah"... qu'Allah les anéantisse !"

    97 : "Les bédouins sont les plus endurcis dans leur impiété et leur hypocrisie"...

    mais stoppons là, et que ceux qui ont des oreilles entendent, que ceux qui ont un cerveau réfléchissent ! 

    On aura compris avec évidence le péché rédhibitoire de toute religion, de tout culte particulariste, et qui éclate avec le plus d'évidence dans le Coran : il se nomme dualisme et discrimination (positive ou pas, peu importe Mort de rire), et consiste à séparer l'humanité en deux camps : les croyants (les musulmans) et les pervers (les non musulmans, les associateurs); il consiste à substituer à la recherche  humble, incessante et infinie de la vérité au moyen de l'étude patiente de l'univers par la science, la prétendue "vérité" révélée sur la montagne ou dans le désert (mais jamais dans la cité, aux yeux de tous, comme c'est bizarre ) à quelques psychopathes s'autoproclamant "prophètes du vrai Dieu".

    Face à cette haine nauséabonde, qui menace de nos jours d'engloutir l'humanité dans les horreurs de la guerre, face à ce cri d'exclusion "qui n'est pas avec Moi est contre moi", face à tous ces dieux à noms propres qui se disent tous le "Dieu unique et seul vrai", et dont les fidèles passent leur vie à s'excommunier et à se massacrer, nous avons le message d'amour de la philosophie par la bouche de Brunschvicg :

    "celui qui est contre moi est encore avec moi"

    verset 129 : "Alors s'ils se détournent dis "Allah me suffit.."

    je leurs réponds :

     "la libre recherche de la vérité me suffit , elle est mon salut: je n'ai pas besoin de votre vérité révélée pour m'y reposer, car je sais que tout relâchement de l'effort infini de la recherche est illusion et néant"


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