• J'explique ici pourquoi je me suis résolu à détruire le blog "Recherche de la vérité", perdant ainsi un an et demi de travail :

    http://meditationesdeprimaphilosophia.wordpress.com/2012/03/19/levidence-du-mal/

    les trois nouveaux blogs sont :

    élément neutre EN :  http://meditationesdeprimaphilosophia.wordpress.com/

    élément savoir ES :  http://philosophiecontresuperstition.wordpress.com/

    élément être EE :  http://horreurislamique.wordpress.com/


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  • Ces deux journées sont ouvertes à tout le monde gratuitement (simplement prévoir une pièce d'identité à présenter à l'entrée de l'Ecole normal supérieure 45 rue d'Ulm). La salle Dussane se trouve au rez de chaussée (se renseigner à l'entrée ).

     

    Le "European Network in Contemporary French Philosophy" qui associe
    le Ciepfc de l'Ecole Normale Supérieure (Département de Philosophie),
    l'Université de Warwick (GB), l'Université de Milan (Italie), les
    Universités de Pise (Italie) et Chicago (USA),  organise entre 2008
    et 2010 un Programme international de recherche sur la philosophie du
    XX° siècle en France autour de ses figures majeures associées et
    opposées sur "l'être, la vie, le concept". Après un colloque à
    Londres et un autre à Milan et Pavie, les deux journées
    sont la première étape parisienne de ce parcours. Elles proposent un
    éclairage sur deux figures majeures de la philosophie des sciences en
    France, Brunschvicg et Bachelard. Elles sont ouvertes au public. A ce
    programme s'ajoutera, le 6 Février 2009 à 18h45, une  Table ronde
    autour de "Proust et la philosophie", et d'ouvrages récents publiés à
    ce sujet par les membres du réseau".

    Voici le programme :

    De Brunschvicg à Bachelard
    Ecole Normale Supérieure, Paris, 6-7 Février 2009

    Salle Dussane

     
    Vendredi 6 février : Léon Brunschvicg
     Président de séance: Professeur Claude Debru (E.N.S) sous réserve.
    Matinée: Métaphysique

    9:30 Ouverture

    9:45 Frédéric Worms (Lille III/E.N.S): "La nécessité de Brunschvicg dans la  philosophie du XXème siècle en France"

    10:15 Jean-Michel Le Lannou (Lycée la Bruyère, Paris): ‘la Puissance de l'Idée'

    10:45 Discussion

    11:15 Pause

    11:30 André Simha (Académie de Nice): ‘Raison et Religion'

    12:00 Stéphane Desroys du Roure (Lille III): ‘de la Liberté chez Brunschvicg'

    12:30 Discussion

    13:00 Déjeuner

    Après-midi: Philosophie des sciences

    14:30 Alberto Gualandi (Université de Bologne, Italie) ‘Métaphores de la vérité mathématique. L'instance du jugement des Etapes à la Modalité'.

    15:15 Anastasios Brenner (Université Paul Valéry-Montpellier III). 'Brunschvicg et l'histoire de la philosophie dans ses rapports avec les sciences'
    15:45 Discussion

    16:15  Pause

    16:30 Frédéric Fruteau de Laclos (Paris I) ‘De l'Architectonique en Epistémologie. La philosophie dans les sciences selon Brunschvicg'


    17:00 Elie During (Paris X) ‘Relativité et Réciprocité: un thème métaphysique au coeur de la physique contemporaine'.
    17:30-18:30:Discussion
    <?xml:namespace prefix = o ns = "urn:schemas-microsoft-com:office:office" /><o:p> </o:p>Samedi 7 février : Gaston Bachelard
     Président de séance: Professeur Jean-Jacques Wunenburger (Lyon III)

    Matinée: Métaphysique et Epistémologie

    9:30 Emmanuel de Saint Aubert (CNRS, E.N.S, Archives Husserl de Paris) ‘Force, forme et matière chez Bachelard et Merleau-Ponty'.

    10:10 Questions

    10:30 Teresa Castelão-Lawless (Grand Valley State University, USA) ‘The Evolution of Scientific and Philosophical Concepts in Bachelardian Epistemology'.

    11:10 Questions

    11:30 Pause

    11:45 Howard Caygill (Goldsmiths College, London): 'Between the History of Mysticism and Science: Koyré in the 1930s'

    12:25-13:00 Questions et discussion
    13:00 Déjeuner
    Après-midi: L'imaginaire et la pensée scientifique
    14:30 Jean-Jacques Wunenburger (Lyon III): ‘la question des rapports Rationalité-Imaginaire chez Bachelard'

    15:10 Questions

    15:30 Zbigniew Kotowicz (Goldsmiths College, London): ‘
    Gaston Bachelard : l'Atomisme, le Surréalisme et la Pensée 
    scientifique'


    16:10 Questions et discussion

    16:30 Pause

    16:50-17:30 Table ronde, animée par les Professeurs Frédéric Worms (Lille III/E.N.S), Mauro Carbone (Università degli Studi di Milano), Arnold Davidson (University of Chicago/Università degli Studi di Pisa) et Miguel de Beistegui (Université de Warwick).


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  • Comme je l'avais annoncé pour m'en féliciter, le site des "Classiques" a entrepris semble t'il de mettre à disposition gratuite des internautes l'oeuvre complète de Léon Brunschvicg :

    http://classiques.uqac.ca/classiques/brunschvicg_leon/brunschvicg_leon.html

    Après "Héritage de mots héritage d'idées", qui avait été commenté ici, c'est au tour d'un autre ouvrage fascinant et bouleversant datant de la fin de la vie de Brunschvicg : "Descartes et Pascal lecteurs de Montaigne", d'être rendu accessible.

    Bouleversant parce qu'il a été terminé en 1942, année où Brunschvicg était dans la clandestinité totale, soutenu heureusement par des amis comme Maurice Blondel, mais séparé pour toujours des ses enfants qui étaient en Angleterre. Ses enfants qu'il ne reverra pas, puisqu'il est mort le 18 Janvier 1944, sans voir la libération de la France et la chute du nazisme, évènements qu'il avait cependant pressentis, ou plutôt prévus avec la certitude totale qui est celle de la Raison, qui peut douter de tout sauf d'elle même et de sa supériorité intrinsèque sur l'obscurantisme irrationnel des idolâtries "magiques" du "sang et du sol" comme de celles des "religions" des "dieux à nom propre".

    On lira avec une attention toute particulière la préface qui retrace tout l'itinéraire de pensée de celui qui fut  l'un des maitres de la philosophie d'avant-guerre , pour tomber dans un complet oubli après 1945 :

    http://classiques.uqac.ca/classiques/brunschvicg_leon/descartes_et_pascal/descartes_et_pascal_preface.html

    L'oubli total et volontaire de celui qui fut l'un des "mandarins" des années 30, après la libération, y est bien expliqué. Cet oubli , qui est d'ailleurs plutôt un étouffement, dure encore à ce jour, même si le travail du site des "classiques" permet de reprendre espoir.

    Mais il faut ajouter que si la rupture avec l'idéalisme critique d'avant-guerre peut s'expliquer par la déception devant son impuissance à prévoir et à combattre la Bête nazie "montant de l'Abîme", cette accusation manque son objet.

    En effet ce n'est pas à cause de l'idéalisme  prétendûment abstrait et "alimentaire" (critique faite notamment par Nizan dans les "chiens de garde", où il voit Brunschvicg comme "s'alimentant" de toute adversité  pour en nourrir sa pensée) mais bien par impuissance de l'humanité ordinaire à se hausser au niveau de cette pensée et de son exigence, que la totalitarisme a pu s'exercer sans véritable résistance jusqu'en 1944.

    Et aussi après cette date d'ailleurs, mais là nous parlons du totalitarisme stalinien, dont Sartre s'est rendu complice jusqu'en 1956 (alors que Céline l'antisémite l'avait dénoncé dès 1936), puis du totalitarisme maoïste qui a bénéficié en France de l'admiration des "grandes consciences" droit de l'hommistes que nous connaissons bien, et qui se sont racheté depuis une virginité démocratique.

    Cete intéressante préface au livre de Brunschvicg s'étend aussi sur la nature nouvelle et spéciale de "Descartes et Pascal lecteurs de Montaigne" : Brunschvicg, ébranlé par les évènements de 1940 à 1942, y aurait pour la première fois fait place au "doute" à propos de son "système rationaliste fondé sur la science".

    Mais cela me semble inexact, en ce que la pensée de Brunschvicg s'est toujours, et depuis les débuts, "nourri" des pensées adverses et "opposées" (ou "différentes") en les accueillant et les discutant. Et l'on peut ici, bien sûr, arguer de son admiration pour Pascal ou Bergson, deux penseurs pourtant très éloignés de lui philosophiquement parlant.

    Il est d'ailleurs à souligner que Bergson est une autre sommité d'avant-guerre qui n'a pas connu après 1945 le mùême destin d'oubli : c'est sansdoute que le bergsonisme fait place au mysticisme, qui est et sera toujours à la mode... mais je partage au demeurant l'admiration de Brunschvicg pour ce géant de la pensée qu'est Bergson.

    La thèse du livre est donc que la modernité (initiée par Descartes) dérive du scepticisme de Montaigne, qui se trouve donc ainsi accorder une importance cruciale...

    mais , tout en étant d'accord bien sûr avec ce verdict, il ne faudrait pas en rester là, et je voudrais ici simplement citer une réflexion de Brunschvicg tirée d'un autre texte  ("L'humanisme de l'Occident", introduction au premier tome des "Ecrits philosophiques") à propos de Montaigne et Descartes:

    " Mais depuis Descartes on ne peut plus dire que la vérité d'Occident tienne tout entière dans la critique historique et sociologique des imaginations primitives (qui est la  première perspective de la sagesse occidentale, de laquelle nous sommes redevables à Montaigne).

    sortir de la sujétion de ses précepteurs, s'abstenir de lire des livres ou de fréquenter des gens de lettres, rouler ça et là dans le monde, spectateur plutôt qu'acteur en toutes les comédies qui s'y jouent, ce ne seront encore que les conditions d'une ascétique formelle.

    A quoi bon avoir conquis la liberté de l'esprit si l'on n'a pas de quoi mettre à profit sa conquête ? Montaigne est un érudit, ou, comme dira Pascal, un ignorant; dans le réveil de la mathématique, il ne cherche qu'un intérêt de curiosité, qu'une occasion de rajeunir les arguties et les paradoxes des sophistes. L'homme intérieur demeure pour lui l'individu, réduit à l'alternative de ses goûts et de ses humeurs, penché, avec une volupté que l'âge fait de plus en plus mélancolique, sur la «petite histoire de son âme».

    Or, quand Descartes raconte à son tour «l'histoire de son esprit», une tout autre perspective apparaît: la destinée spirituelle de l'humanité s'engage, par la découverte d'une méthode d'intelligence. Et grâce à l'établissement d'un type authentique de vérité, la métaphysique se développera sur le prolongement de la mathématique, mais d'une mathématique renouvelée, purifiée, spiritualisée par le génie de l'analyse".

    On pourrait lire dans ces lignes, sans se tromper de beaucoup, une conception quasi-prophétique de Descartes, et aussi trouver l'explication du dédain affiché par nombre d'intelelctuels, anglo-saxons mais aussi français, pour Descartes : c'est que notre époque n'aime les prophètes que religieux, environnés d'éclairs, de crainte et de tremblement, et de phénomènes surnaturels. Et surtout elle les aime de loin : pour la vie quotidienne, on préfère la "petite histoire de l'âme" , mais ici les mots de Brunschvicg peuvent sembler trop sévères pour Montaigne, que sa culture des nobles sages de l'antiquité met à l'abri des divagations "nunuches" des  contemporains narcissiques obsédés de leur "belle âme" (que ne l'introduisent ils en bourse !!? cela règlerait sans dout leurs problèmes de "pouvoir d'achat" Mort de rire).

     La "mission prophétique" de Descartes existe bel et bien et débute historiquement dans la nuit "de la Saint Martin" du 10 au 11 novembre 1618 avec les trois rêves de Descartes, qu'il interprète lui même dès le réveil (et même pendant la durée du songe pour le dernier) et qui lui semblent inspirés par l'Esprit de Vérité, autre nom de Dieu des philosophes.

    Celui qui est aussi, et simplement, "la Vérité", d'après le "Court Traité" de Spinoza.

     


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  • Il arrive qu'un livre "tombe à pic" dans le "parcours" d'un lecteur (en particulier dans le domaine philosophique), c'est le cas pour le lecteur que je suis de ce livre ci , écrit au début des années 70... mais auparavant quelques mots à propos de ce blog...

    J'ai passé pas mal de temps à écrire trois articles assez "pompeux" (pour ne pas dire pompiers ? ) sur le "Mal radical" sans assez me rendre compte que moi même je me livrais au Mal en faisant ce que je fais ici...

    car si la notion de "Mathesis universalis" (que je n'ai pour l'instant pas vraiment explicitée, et pour cause : c'est un peu l'arlésienne, ou plutôt une auberge espagnole, chacun y apporte sa propre cuisine !) doit être prise au sérieux (et pour ma part je la prends au sérieux : j'ai peut être tort !), alors cela signifie que l'on ne doit reconnaitre comme admis , comme "vrai" que ce qui est "vérifié" (comme dit Brunschvicg), c'est à dire ce qui est démontré ou asserté avec une certitude au moins égale à celle des propositions mathématiques (dont on sait d'ailleurs que Descartes, qui est l'un des Maitres que je reconnais, les englobait dans son doute radical ce qui lui permettait de trouver des vérités reconnues avec un degré de certitude encore supérieur : apodictiques).

    Or je n'ai pas assez signalé ici que tout ce que je dis (absolument tout)  n'est pour l'instant que ma certitude "subjective", la certitude de quelqu'un qui n'est d'ailleurs même pas un philosophe ni un mathématicien ou physicien professionnel... et de quelqu'un qui dans sa vie privée n'a pour l'instant montré aucune prédisposition à la poursuite de la sagesse...

    ces précautions étant prises, revenons au livre de Ludovic Robberechts , (un philosophe né en 1935 et qui n'a donc pas pu connaitre personnellement Brunschvicg) , livre paru en deux volumes :

    Essai sur la philosophie réflexive tome 1 (paru en 1971), consacré aux quatre philosophes représentant d'après lui cette tendance philosophique : Maine de Biran, Lachelier, Lagneau et Brunschvicg

    Essai sur la philosophie réflexive tome 2 paru en 1974, consacré au philosophe qui d'après Robberechts vient couronner l'édifice de cette philosophie (et de la philosophie en général) : Jean Nabert (1881-1960), puis au "dépassement" de la philosophie (dépassement rendu possible seulement parce que Nabert en a en quelque sorte trouvé le bout, la fin, avec l'aporie constitutive du problème du Mal) par le "retour" (mais est ce bien un retour??) au judaïsme, c'est à dire le fait de quitter le terrain "intellectualiste" qui est celui de la philosophie occidentale depuis Platon pour se confier uniquement à la garde des mythes, et encore pas n'importe quels mythes : les mythes juifs (car d'après Robberechts, tous les autres mythes se retournent un jour ou l'autre contre ceux qui se laissent gouverner par eux).

    Il s'agit donc d'une position très tranchée, comme on le voit, et qui se situe à l'antipode exact des thèses soutenues ici ! mais comment pourrait t'on parvenir à la vérité si l'on n'ose pas affronter la contradiction ? et surtout si l'on adopte une posture ou une méthode à caractère scientifique, où tout ce qui est affirmé doit être "réfutable" si du moins cela ddoit avoir une valeur de vérité.

    Je ne vais d'ailleurs pas "affronter" quoi que ce soit, car je dirai d'emblée qu'il s'agit d'un livre admirable, extrêmement important, et tout à fait déstabilisateur pour quelqu'un comme moi!

    Le tome 2 est accessible online en "aperçu limité" (c'est à dire que l'on ne peut voir que certaines pages, mais il y en a assez pour que l'on puisse se faire une idée correcte du livre) sur "Google" , à l'adresse suivante :

    http://books.google.fr/books?id=sOn_tLn5yTsC&pg=PA3&dq=robberechts&ei=f3U6SN3lN5XuygTsnL3LDw&sig=iF3bL0J_vlZgfOiAWo16xXroeRY

    le tome 1 était aussi lisible sur Google il y a quelques mois, il ne l'est plus pour l'instant, peut être redeviendra t'il accessible un jour... en tout cas on peut facilement acheter les deux volumes sur Internet, je l'ai fait moi même en début d'année...

    L'importance du travail de Robberechts vient de ce qu'il prend son départ au coeur même de la philosophie occidentale, qui est selon lui (et selon moi) son noyau "intellectualiste", pour ensuite la dépasser (enfin ... d'après lui ). Et ce n'est évidemment pas un hasard s'il termine par Brunschvicg, qui représente incontestablement l'aboutissement suprême de cette philosophie rationaliste, intellectualiste et mathématisante (à partir des années 70, et surtout 80 avec l'Etre et l'évènement vient s'y ajouter Badiou, mais j'ai déjà précisé que je le considère comme déviant de la ligne rationaliste et brunschvicgienne).

    Robberechts se livre à une critique acérée de Brunschvicg, et à travers lui de Spinoza et du Spinozisme, qualifié de pensée abstraite et sans portée réelle sur la "vie"... je n'ai pas le temps de faire ici une recension et un commentaire, voire une réfutation , détaillée du livre, aussi me contenterai je de dire pourquoi à mon avis Robberechts a tort concernant Brunschvicg; il reprend à son sujet les accusations,  déjà lancées dans les années 30 par Nizan et Sartre et sa "bande" , de "philosophie alimentaire" , même s'il garde un certain tact (et une admiration certaine pour Brunschvicg, dont il signale l'émouvante bonté, incompréhensible pour lui) et ne va pas jusqu'à le traiter de "chien de garde" du capitalisme bourgeois...

    Je n'ai pas le livre sous les yeux, et le tome 1 en question n'est pas accessible online, mais je résumerai ce que dit Robberechts ainsi : Brunschvicg concevrait le philosophe comme "au dessus" des autres hommes, en ce qu'il utiliserait leurs travaux (et en particulier les durs labeurs des scientifiques) pour "parvenir tout seul dans son coin" à son idéal de contentement de l'esprit au moyen de la réflexion intellectuelle, désertant ainsi et refusant de prendre part aux tâches collectives de luttes pour l'amélioration du sort de tous.

    Mais la philosophie de Brunschvicg, telle du moins que je la comprends, est tout à fait différente de cette description : l'idéal de contentement ou de "joie souveraine" ininterrompue promise par la philosophie de Spinoza et Brunschvig, obtenue (et c'est là l'apport de Brunschvicg) par un examen et une réflexion de plus en plus approfondie, mais aussi honnête, scrupuleuse et humble, sur les résultats de la science, concerne tout homme, en droit, même si en fait, et pour le moment, dans l'état actuel (bien plus déplorable à notre époque encore que du temps de brunschvicg) de nos "sociétés" il n'est visé que par une minorité restreinte, et obtenu par une minorité bien plus restreinte encore. Mais doit on accuser de ce fait les rares "philosophes" qui y parviennent, par un travail acharné et incessant, s'étendant sur toute une vie, et au prix d'un renoncement total aux "autres plaisirs de la vie" (faux plaisirs , selon Spinoza, et destructeurs) et d'une "ascèse intellectuelle" fort exigeante ? non ! on doit plutôt accuser la lâcheté et la pusillanimité de ceux qui n'y parviennent pas, ou n'ont même pas l'idée de tenter l'aventure...et après tout s'ils veulent vivre autrement libre à eux ! mais alors pourquoi accuser les rares personnes qui choisissent la voie de Brunschvicg de démission ?? eux aussi ont le droit de vivre selon leurs critères, ils ne font de mal à personne...ou en font ils ? c'est ce que semble penser Robberechts...

     chacun fait fait fait cki lui plait plait plait , on est en démocratie !

    passons maintenant au tome 2...

    Je suis d'emblée d'accord avec Robberechts sur l'importance cruciale de Nabert pour la philosophie. Il le place à ce premier rang, en compagnie de Merleau Ponty et de Husserl (il a écrit en 1964 un petit livre sur Husserl, facile à se procurer aussi). Il est à noter que Nabert comme Merleau-Ponty sont des élèves de Brunschvicg....eux aussi ! il semble que tous les grands auteurs de philosophie d'après guerre le soient, et aient été influencés de façon essentielle (pour leur orientation philosophique) par Brunschvicg, même si c'est négativement (comme Sartre). C'est là la marque d'un grand Maitre de sagesse, ce que fut indéniablement Brunschvicg, et il y en a bien peu de cette envergure ... en fait il n'y en a aucun d'après moi!

    Robberechts note que sous des dehors respectueux (il a écrit un article sur Brunschvicg empreint d'une déférence infinie dans la revue de métaphysique et de morale en 1928 ) Nabert est le seul élève, ou plutôt disciple, qui se soit affranchi et ait ainsi dépassé le Maitre. Mais est bien vrai (qu'il soit le seul) ? n'est ce pas le propre d'un vrai Maitre que de vouloir former des esprits libres, donc libres vis à vis de lui même, et donc de vouloir que, leur temps venu, les disciples "tuent le Maitre" ?

    voici le lien de cet article de Nabert sur l'oeuvre de Brunschvicg, le "Progrès de la conscience" dans la revue de métaphysique et de morale (aller pages 219 à page 275):

    http://gallica.bnf.fr/ark:/12148/bpt6k11247m.pagination

    Nabert est le type même du philosophe véritable, qui a très peu écrit parce qu'il ne voulait écrire que des choses importantes et vérifiées (héritage de Brunschvicg !!), vérifiées non pas comme en mathématiques mais passées au crible d'une conscience d'une méticulosité et d'un scrupule infinis ! il ne reste que trois livres de lui, mais on pourra se contenter de lire son petit traité de 1955 : Essai sur le Mal, qui contient tout en germe. Je l'ai lu moi même il y a longtemps, et dois le retravailler si je dois en dire quelque chose ici, aussi me bornerai je dans cet article à admettre ce que dit Robberechts, c'est à dire que Nabert est le seul philosophe occidental à situer exactement, à poser de façon correcte le problème abyssal du Mal, de l'injustifiable dans le monde (en fait je ne l'admets pas, puisque Brunschvicg le pose aussi mais n'en reste pas à l'aporie, car il y apporte une "réponse", réponse qui si l'on veut n'en est pas une car elle consiste non pas à fuir, mais à changer les données du problème).

    On pourra lire à l'adresse suivante une thèse doctorale sur "Conscience de soi et conscience de Mal dans l'oeuvre de Nabert":

    http://edoc.bib.ucl.ac.be:81/ETD-db/collection/available/BelnUcetd-06012005-231058/unrestricted/thesedoctorale.pdf

    Mais, selon Robberechts, Nabert ne va pas plus loin : il pose correctement le problème (dans "Essai sur le Mal") et marque ainsi la fin de la métaphysique et son possible dépassement, mais ne donne aucune réponse : c'est là son héroïsme philosophique (un "héroîsme de la Raison" semblable à celui que husserl appelait de ses voeux dans la Krisis en 1936) de rester honnête intellectuellement et de dire : "là je ne peux pas répondre" si c'est le cas... d'ailleurs cette issue est elle si éloignée de celle de Brunschvicg qui disait : l'esprit refuse de répondre pour la matière et pour la vie, c'est à dire qu'il refuse de "descendre" de son niveau aux niveaux inférieurs, matériels ou vitaux, qui sont ceux où se pose le problème du mal ? encore faut il, quand on donne pareille solution, pouvoir l'appliquer soi même dans sa vie réelle et tel est le sens de la question que Gabriel Marcel (ou est ce Blondel ??) posait à Brunschvicg qui disait que sa propre mort n'avait aucune importance à ses yeux : "oui mais et la mort de Madame Brunschvicg ?"

    mais ce n'est pas la philosophie ou les philosophes qui "vont plus loin" que cette aporie où en reste Nabert et donnent non pas la solution, mais la réponse : d'après Robberechts, ce sont les juifs... les juifs croyants, ceux qui confient leur vie non pas à la raison gréco-philosophique, mais aux mythes juifs du Tanakh (=Torah-Neviim-Ketouvim : Torah plus prophètes plus livres sapientiaux, soit "l'ancien testament").

    Il y a certes une similitude avec le cas de deux autres penseurs juifs : Frantz Rosenzweig, l'auteur de "L"étoile de la rédemption", qui en 1913, visitant à Berlin une synagogue très modeste, a une sorte de "révélation" et décide de "faire retour au judaïsme", et bien sûr Emmanuel Lévinas. Mais il ya aussi une différence énorme, qui est que Rosenzweig comme Levinas restent des philosophes et quels philosophes ! et à la différence de robberechts ils n'établissent pas de hiérarchie, leur judaïsme leur est une "ressource" pour leur parcours philosophique, c'est flagrant chez Levinas, et en tout cas ne prétendent pas "dépasser" ou "transcender" grâce au judaïsme la philosophie qui serait arrivée au bout de sa course.

    Je vois une autre parenté, cela fera sans doute bondir certains : celle de Heidegger !

    on a pris l'habitude, depuis la polémique déclenchée par des livres comme ceux de Farias, de faire le portrait de Heidegger en penseur nazi : il s'est engagé aux côtés des nazis pendant un an, jusqu'à 1934, et beaucoup de penseurs animés de mauvaises intentions à son égard tentent de démontrer que ce choix n'est pas accidentel, que la pensée heideggerienne est essentiellement nazie.

    Mais on ne rappelle pas assez souvent que Marlène Zarader, dans son livre "La dette impensée", a montré avec succès que cette pensée heideggerienne est redevable aux penseurs-prophètes  hébraïques, quand elle cherche à remonter aux conceptions pré-platoniciennes de la vérité comme décèlement et aux époques "initiales" et matutinales de l'aurore grecque, avant l'oubli de l'Etre initié par Platon et Socrate et qui marque le "destin" dont la métaphysique occidentale ne pourra jamais s'affranchir. D'après Marlène Zarader, cette époque grecque pré-platonicienne est en dette vis à vis du judaïsme, vis à vis des penseurs hébraïques.

    Pour ma part je n'ai pas attendu d'avoir lu le livre de Zarader pour observer les analogies et similitudes frappantes entre certains aspects de la doctrine de la pensée remémorante de l'Etre chez Heidegger , et certains aspects du judaïsme , notamment quand il remplace la vision (l'oeil) qui est l'obsession de la métaphysique occidentale (encore chez Husserl qui parle sans arrêt de "voir", et d'ailleurs on sait que le mot théorie se réfère étymologiquement à la vision), quand dont le judaîsme choisit de mettre plutôt l'accent sur l'écoute... par exemple dans la prière juive "Shma Israel , Adonai eloheinou, Adonai ehad..." : écoute Israel, le Seigneur (ou le nom, Hashem) est notre Dieu, le Seigneur est Un...

    et d'ailleurs David Lynch autre "contestataire" intempestif de l'ordre occidental fondé sur le voir "grec", la théorie, le regard, a lui aussi recours aux hébreux et à leur "écoute" quand au début du film "Blue Velvet" il met en scène un personnage qui trouve une oreille tranchée au rasoir dans l'herbe....façon de suggérer la violence symbolique de l'Occident gréco-chrétien envers les juifs, violence consistant à donner toute la place au "voir" théorique (notamment dans la science "dure", la physique géométrique par exemple, à partir du 17 ème siècle) et à ainsi anéantir,  en lui retirant tout "lieu" , le recours juif à l'écoute (de la Parole mythique), à l'oreille.

    Faut il alors évoquer (symmétriquement) le film de 1928 de Luis Bunuel : "Un chien andalou" , où l'on assiste à cette scène insupportable d'un rasoir qui tranche un oeil en gros plan ?

    peut être...sans doute...certainement ! il ne serait pas étonnant outre mesure que Lynch, qui comme tous les réalisateurs dignes de ce nom doit être un grand cinéphile, se soit remémoré cette scène du "Chien andalou" quand il a tourné "Blue Velvet".... ce même David Lynch dont le nom a figuré sur des "listes de personnalités à abattre" dans des groupes neo-nazis américains, et qui quelques années avant "Blue Velvet" avait tourné "Elephant Man", ce film grandiose où un pauvre homme défiguré au visage "éléphantesque", tourmenté et torturé par l'ordre économique ignoble de l'Angleterre victorienne et ses cirques, ne trouve refuge que dans le livre des Psaumes, c'est à dire dans le judaïsme...

    Luis Bunuel est lui aussi resté toute sa vie un contestataire de l'ordre bourgeois, et qu'est ce d'autre que le surréalisme (à l'oeuvre dans "Un chien andalou") qu'un gigantesque attentat contre ce qui était jugé à l'époque (après guerre) insupportable dans l'ordre occidental moderne (des nations européennes colonisatrices ou "anciens empires" comme Espagne ou Portugal) ?

    Ce (long) détour par le cinéma vise à mettre en évidence deux ordres symboliques totalement hétérogènes : celui que nous appelons "occidental" (européen), propre à cette humanité européenne qui depuis les mutations de la Renaissance choisit de se donner une nouvelle figure fondée sur la philosophie grecque (c'est tout le développement du début de la Krisis de Husserl) ; et celui qui reste en "marge" (contestataire de l'hégémonie occidentale donc) et qui comprend les "juifs", et prend recours sur les mythes juifs et leur fondement sur l'écoute plutôt que sur le voir théorique.

    Et ce n'est pas une mince surprise que de voir Husserl (d'origine juive, mais converti au christianisme,  néanmoins persécuté par les nazis) dans le premier "camp", et Heidegger le prétendu "nazi" dans le second ! d'ailleurs Gérard Granel ne parle t'il pas, dans sa préface à la Krisis, de la "paranoïa théorique occidentale à l'oeuvre chez Husserl" ?

    La pensé de Heidegger possède avec évidence une puissance explosive dirigée contre l'Occident et la modernité nihiliste, celle de la mise en exploitation sans limite de l'étant, naturel ou humain, comme "ressources", dans le Gestell, l'arraisonnement, l'appropriation sans frein de tout le domaine de l'étant et sa mise au service de la production, de la "croissance", économique ou relevant d'autres domaines de l'être historial .

    C'est évidemment là l'explication de certaines convergences (contre nature en apparence seulement) entre heideggeriens "de gauche" et autres contestataires ou "altermondialistes".

    Je caractériserai et résumerai cette opposition par celle que j'avais déjà souvent pointée entre les deux syllabes MA et MU (qui en hébreu devient "MY" = mem + yod), et qui remonte au Zohar , cette "somme" de l'ésotérisme juif appelé "Qabbalah".

    On sait que les rabbins du Zohar (le passage en question se situe au tout début du tome 1) mettent en parallèle la question visant l'étance , la relation, le "comment" propre à l'interrogation scientifique : "Mah zoth ?" : qu'est ce que c'est ? en quoi cela consiste ?

    et la question visant "ce qui est au delà de l'essence" , qui pour les hébreux prend la forme (dans le zohar) : MY bara eleh ? qui a créé cela ?

    Ils relient ces deux syllabes (MA et MY) aux Eaux inférieures (MA) et supérieures (MY) de Genèse 1 dans le "jeu de mots" kabbalistique : MAYIM (qui en hébreu veut dire "EAU") , mot formé de la syllabe MA à l'endroit et de la syllabe MY inversée... car le domaine "supérieur" (Natura naturans, nature naturante))est soumis à un ordre inverse du domaine "inférieur-naturel-mondain" (Natura naturata, nature naturée).

    Dans nos langues MA donne MAthématique, MAtière, MAtrix, MAthesis universalis, et MU ou MY donne : MYthes, MYstique, MYstère, MUet, MUsique...aussi doit on voir du sens dans le nom du  séminaire déjà évoqué de François Nicolas : MAMUPHI :

    http://www.entretemps.asso.fr/maths/

    cette opposition que nous avons analysée sous de multiples facettes n'est pas autre chose que ce que décrit dans sa propre terminologie Robberechts , quand il oppose ce qu'il appelle les abstractions mathématico-platonisantes propres à l'Occident et à sa science théorique, et les mythes propres à toutes les civilisations non occidentales. Et on peut dire qu'il n'y va pas de main morte !

    la science est dépeinte comme une "drogue", la drogue de l'Occident que celui ci tente (avec réussite) de "dealer" , de fourguer aux autres cultures, pour s'assurer sur elles une supériorité, celle du dealer sur le toxicomane..

    cela pourra surprendre mais j'approuve sans réserve cette appréciation négative de Robberechts sur ce qu'il appelle la "science" et qu'il faudrait plutôt appeler "technoscience".

    Mais peut on opposer une science "bonne", "noble", dont tout le but est l'enrichissement de l'humanité par le développement des capacités de l'esprit humain, et une "technoscience" mauvaise, à laquelle nous sommes redevables de la bombe thermonucléaire, de l'obsession de la "croissance" ?

    c'est en tout cas la thèse défendue ici, et qui prend appui sur ce que disaient de la science ceux qui l'ont développée à ses débuts, au 17 ème siècle. Le but n'était pas et ne pouvait pas être le développement sans frein de la technique, puisque celle ci n'est apparue, sous la forme que nous connaissons, qu'à partir du 19 ème siècle. Le but en était, comme il est écrit par exemple au début de la "Logique de Port royal" (1664) le développement des bonnes qualités de l'âme (citation exacte à retrouver)

    Mais Robberechts va plus loin, et englobe dans ses anathèmes technique aussi bien que science "théorique", qui selon lui consiste juste en un développement à l'infini de formules algébriques sans aucun sens réel (ce que d'aucuns, comme Husserl, nommeront "mathesis universalis") : l'algébrisation est jugée, chez Robberechts comme chez husserl, et condamnée comme perte de l'intuition fondatrice (celle de la géométrie d'avant Descartes), ou perte du contact avec le "monde de la vie".

    Mais ici je ne suis pas d'accord, et m'appuie sur la distinction opérée par Brunschvicg entre "Verbe intérieur, logos endiathetos" , ou pensée pure, et "logos propherikos" ou langage, ou forme exérieure de la pensée exprimée (au moyen de propositions langagières ou de formules algébriques).

    Il ne faut pas confondre la Pensée et la Vérité, avec ses formulations  en langues naturelles ou mathématiques, conduisant aux chaînes de "vérités exprimées", les théorèmes.

    Ce que nous nommons "Mathesis universalis", ce n'est pas la mathématique même universelle (universal algebra) telle qu'on peut la voir développée dans les manuels, car il ne s'agit là que d'une forme extérieure, contingente; c'est la pensée "solide" qui est à l'oeuvre "derrière" , ou encore le Verbe-mathesis, la Raison universelle des esprits de Malebranche.

    Et là j'ai la caution de Descartes dans les Regulae, qui d'après les analyses profondes de Jean Luc Marion (dans "Sur l'ontologie grise de Descartes") a réalisé un "coup de force" en donnant à ce qu'il appelle "mathesis universalis" un sens dépassant la pure mathématique et englobant tout (y compris la métaphysique). Mais le très grand philosophe chrétien  Marion condamne ce "coup de force", cet "attentat" de Descartes (que  Rosenfield caractérise comme "démesure de la Raison"); moi je l'approuve, et je l'admire ..mais bien entendu je ne suis pas digne de dénouer les lacets de la chaussure de Marion, un des plus grands philosophes de l'heure...non sum dignus Domine


    3 commentaires
  • J'entends saluer ici la mise à disposition, en lecture libre sur Internet, d'un nouveau texte de Léon Brunschvicg (1869-1944), l'un de ses  livres les plus importants car son dernier, terminé le 10 novembre 1943 à Aix Les Bains (alors qu'il avait dû fuir Paris  et l'invasion allemande en juin 1940) , deux mois avant sa mort qui eut lieu le 18 Janvier 1944.

    Ce texte est disponible à l'adresse suivante :

    http://classiques.uqac.ca/classiques/brunschvicg_leon/heritage_de_mots_idees/heritage_de_mots.html

    Livre des plus importants dans sa brièveté et sa simplicité même, et même dans son dépouillement dirais-je, terme le mieux à même du philosophe qui a toute sa vie cherché à réaliser la "pauvreté en esprit" dont parle l'Evangile, un idéal auquel le christianisme a dd'ailleurs été infidèle, et c'est sans doute là l'explication de tous les malheurs qui nous accablent aujourd'hui.

    Brunschvicg y récapitule toute son oeuvre et toute sa philosophie en quelques 80 pages qui sont d'une densité sans doute sans égale dans la littérature de tous les temps, mis à part évidemment certains textes de ses "inspirateurs" Descartes et Spinoza (je pense au début du Traité de la réforme de l'entendement par exemple).

    C'est un livre pour tous et pour personne, pourrait on dire en reprenant une formule de Nietzsche; un livre d'une lecture tellement facile en apparence qu'on pourrait (et qu'on devrait) le donner à un jeune enfant pour l'initier à la vraie philosophie, qui se situera toujours au delà des lourdeurs de style et des obscurités voulues de quelques penseurs célèbres, j'aurai la charité de ne pas prononcer ici leur nom.

    Si on lit ce livre, ce qui est facile, et l'affaire d'une heure ou deux tellement c'est passionnant, et si on le comprend (ce qui est un peu plus difficile Clin d'oeil), on est "vacciné" pour la vie contre tous les sophismes des prétendus "philosophes", politiques,  stars médiatiques et autres "maitres penseurs" ( voire "maitres censeurs" Mort de rire).

    Le titre lui même résume à lui seul toute la pensée de Brunschvicg et son "sens", qui est d'opposer le spiritualisme de l'idée pure à l'idolâtrie des mots. Oui, je ne crains pas de prononcer ce mot qui de nos jours est devenu une obscénité : "spiritualisme". Et on le comprend quand on pense à l'usage qui en a été fait par des sectes ou autres "écoles" de (prétendue) pensée. Mais si je ne crains pas de le prononcer c'est justement avec l'autorisation que m'en donne le livre, qui permet de discriminer (autre mot qui est devenu obscène, pour d'autres raisons) le "mot" comme pure étiquette et ce qu'il est censé représenter, ou symboliser. D'ailleurs il y en a tellement d'autres, de ces mots, qui sont devenus obscènes ou en tout cas "fâcheux", ridicules, scandaleux...et la liste des thèmes abordés par le livre en compte plusieurs : raison, expérience, liberté, amour, Dieu, âme...

    Brunschvicg décèle l'origine de cette rupture, entre pensée et expression, entre Esprit et langage, chez les Grecs avec le double sens du mot Logos, à la fois pensée et parole; fidèle à ses prédecesseurs et inspirateurs Descartes, Spinoza et Malebranche , qui opposent, chacun à leur façon, le Verbe intérieur aux "préjugés des sens sur lesquels le langage se forme", il n'aura de cesse d'aider l'humanité à remonter la pente (fatale) qui la fait descendre du niveau de l'idée, de l'amour intellectuel de Dieu, à celui des "discutailleries" stériles et autres "tournant langagiers".

    Et pour cela, Brunschvicg, c'est là sa marque distinctive (et son honneur) ne craindra pas de provoquer une scission à l'intérieur du rationalisme lui même, puisqu'il s'en prendra aux penseurs qui en apparence auraient pu être jugés les plus proches de lui de par leur idéalisme, car il s'élève à la fois contre l'esprit de système total (Hegel) et le logicisme auxquels il oppose le dynamisme de l'intelligence et de l'analyse mathématique.

    Mais tout cela semble peine perdue, et après 1945 l'humanité a continué à descendre la pente, à cadence accélérée.... jusqu'à ... jusqu'où au fait ?

    Il suffit de prendre quelques exemples tout récents pour montrer à quel point nous mène l'idolâtrie des mots (envisagés séparément par abstraction de ce qui seul les légitime : la pensée pure) :

    - la ridicule querelle sur le point de savoir s'il faut parler de "rigueur" ou non à propos de la politique économique du gouvernement Fillon

    - l'affaire de la banderole insultante envers les ch'tis : on a vu, au cours du JT, s'opposer le président du PSG qui reconnait un signe xénophobe mais non raciste au président du stade de Lens qui parle de "racisme régional" (c'est nouveau, ça vient de sortir). On croit rêver devant tant de bêtise et d'hypocrisie... la bêtise principale étant de consacrer une partie du journal télévisé national à une telle broutille...mais nous n'en sommes plus à ça près, en France !

    Mais quittons ces marécages pestilentiels et revenons au livre, "Héritage de mots, héritage d'idées"... on lira avec une attention spéciale le chapitre consacré au mot(et à l'idée) "Dieu".  L'opposition (qui forme l'un des thèmes principaux de ce blog) pascalienne entre le dieu à noms propres de la tradition judeo-islamo-chrétienne et le Dieu de le pensée universelle, le Dieu-Raison, le Dieu des philosophes et des savants, y est abordée avec une force magistrale:

    "Parler de Dieu à un enfant, c'est lui apporter, ou lui imposer, un faisceau suffisant de réponses pour le garder, son existence durant, à l'abri d'une curiosité dangereuse".

    tout est dit ... et la calamité des religions traditionnelles, cultuelles, "sociologiques", celles que l'on hérite à la naissance, dénoncée.

    Le rationalisme de Brunschvicg est le même que celui de Spinoza : il est à vocation religieuse, sa visée la plus haute est une réforme (révolution ) totale de l'esprit humain afin de favoriser l'émergence de la véritable religion, celle de la raison universelle des esprits, selon la belle expression de Malebranche. Les commentateurs de l'Ethique s'interrogent depuis plus de 3 siècles sur l'énigme du spinozisme qui tient tout entière entre l'apparente contradiction entre les quatre premiers livres de l'Ethique, qui concluent à un déterminisme et une nécessité absolue régnant sur les phénomènes (y compris ceux touchant à l'homme) et la merveilleuse liberté intérieure décrite au livre 5 comme "amor Dei intellectualis", et comme idéal et promesse de la voie philosophique.

    Mais la contradiction n'en est pas une, et le rationalisme, si toutefois il ne tombe pas dans les ornières d'un certain naturalisme ou empirisme, est le seul qui puiise parachever les promesses du mysticisme, comme le dit si bien Brunschvicg au chapitre sur "Dieu" (pages 64 sq):

    "le mysticisme semble incapable de subsister en équilibre à son propre niveau. Ou il acceptera de descendre, et désavouera ce même idéal de spiritualité qu'il avait commencé par proclamer, ou bien le rationalisme interviendra pour le soulever au dessus de lui même et le mener jusqu'au bout de son aspiration , jusqu'à la claire et pleine intelligence de l'unité de l'Un".

    L'objectivisme absolu, qui est celui du spinozisme comme de la science , est donc compatible avec le spiritualisme absolu de l'idée pure, de l'amour intellectuel de Dieu : l' esprit trouve sa liberté en objectivant ce qui est "au dessous de lui", ce qui n'est pas lui, la Nature, et il ne peut se libérer qu'en objectivant! il trouve alors qu'il se confond avec Dieu, un Dieu qui n'a rien à voir avec celui des différentes traditions cultuelles et de leurs théologies car : "quand on parle de Dieu comme d'un objet, et puisque cet objet n'est donné nulle part , il faut bien qu'il soit imaginé. il devient alors inévitable que l'imagination trahisse Dieu en le représentant sur le modèle des créatures humaines, ou, si elle prétend s'affranchir de cette malheureuse subordination, elle déserte et tombe dans le vide" (ce "vide", c'est par exemple celui de la théologie négative, expressément refusé par Spinoza)

    "ce qui désormais s'oppose au surnaturel, ce ne sera donc plus la nature, mais bien le spirituel, ramené à son acception authentique par l'effort de réflexion idéaliste qui a dû se déployer à contre-courant des formes ancestrales du langage" (ce "à contre courant", c'est évidemment l'analyse mathématique).

    Parmi les autres livres ou articles de Brunschvicg, on trouvera "Les étapes de la philosophie mathématique" (sans doute son ouvrage le plus important, le plus commenté en tout cas, et qui n'a pas pris une ride) à cette adresse du site de l'université du Michigan:

    on trouvera aussi un grand nombre d'articles parus dans la "Revue de métaphysique et de morale" (qu'il avait fondée en 1893 avec Xavier Léon) sur le site de la bibliothèque nationale Gallica:

    http://gallica.bnf.fr

    (taper "Brunschvicg" en mot clé dans le cadre "recherche libre" ou "auteur", ou bien cliquer sur "périodiques" pour trouver la Revue de m'étaphysique et de morale).

    Un autre livre important de lui, "De la vraie et de la fausse conversion", a paru sous forme d'articles dans plusieurs numéros de la revue à partir de 1930, voici les adresses de différents morceaux du livre:

    http://gallica.bnf.fr/ark:/12148/bpt6k112646/f1.item (chapitre 1,  aller pages 279-297)

    http://gallica.bnf.fr/ark:/12148/bpt6k11271g.item (chapitre 2, aller aux pages 187 à 235)
     
    http://gallica.bnf.fr/ark:/12148/bpt6k11278w (chapitre 3, aller pages 17 à 46)
     
    http://gallica.bnf.fr/ark:/12148/bpt6k112797.item (fin du chapitre 3, aller page 153 pour le début du texte de Brunschvicg))
     

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