• Depuis que je fais paraitre des articles sur des blogs, je clame haut et fort que Léon Brunschvicg (1869-1944) me semble être le philosophe le plus important en France depuis Descartes...rien de moins !

    Sa doctrine que l'on pourrait qualifier (si tant est que cela ait un sens de qualifier des penseurs de cette envergure immense) d'idéalisme critique et mathématisant, tout aussi bien que de rationalisme intellectualiste, est celle qui inspire le plus les études menées ici.

    Alain Badiou distingue deux grandes tendances en philosophie : la tendance vitaliste, celle de Bergson ou Deleuze, et la tendance rationaliste, celle de Descartes, Spinoza, Malebranche, Brunschvicg, Comte, Simondon, et il se classe lui même dans cette seconde catégorie.

    Mais le terme de "rationalisme" peut prêter à équivoque , et Brunschvicg n'a eu de cesse de dénoncer le rationalisme "systématique", qui prétend dériver un savoir absolu, indépassable et total, de principes certains, Hegel étant le représentant le plus évidzent de ce systématisme.

    On lira avec un grand intérêt l'article suivant de François Chaubet sur le destin qu'a connu Brunschvicg lors des années d'occupation, de Juin 1940 jusqu'à sa mort en janvier 1944:

    http://publications.univ-provence.fr/ddb/document.php?id=87

    Brunschvicg a dû fuir son bel appartement parisien et sa bibliothèque, qui a été pilllée, uniquement parce qu'il était d'ascendance juive.

    On touche là la singulière horreur du nazisme comme de tout antisémitisme, et leur absurdité totale, puisque Brunschvicg depuis le début de sa carrière philosophique n'a pas cessé de dénoncer et de critiquer les "religions positives" (y compris donc la religion juive), celles des "dieux à nom propre", qui ont entrainé au cours de l'Histoire des guerres incessantes (et à notre époque menacent d'engloutir l'humanité dans une guerre totale et destructrice), auxquelles il oppose la religion de l'Esprit immanent aux sciences, la religion ayant comme "dieu" le Dieu-Esprit, le Dieu-Raison, en somme le "Dieu des philosophes et des savants" s'opposant depuis Pascal au "Dieu d'Abraham".

    Et il est absolument ignoble de prétendre, comme l'a fait "Bling bling" Sarkozy à des fins commerciales et démagogiques, assimiler la prétendue "islamophobie" (qui est une critique tout à fait légitime d'une idéologie fasciste et impérialiste, et en aucun cas un "racisme", sinon il faudra m'expliquer en quoi les musulmans, qui se félicitent de ce que de plus en plus d'européens se convertissent, forment une race) à l'antisémitisme qui est le nom de la haine envers les personnes nées de famille juive, indépendamment de leurs croyances et de leurs comportements effectifs, et bien souvent s'adresse d'abord à celles qui s'affranchissent de leur héritage ethnique et familial, comme Brunschvicg, le penseur universel de l'Occident à l'égal de Descartes et Spinoza.

    L'importance de Brunschvicg pour notre époque comme pour l'histoire totale du devenir de l'humanité, se mesure aux penseurs qu'il a influencés, ou qui ont été ses disciples directs, quelquefois révoltés et infidèles, ce qui est normal, mais toujours reconnaissants envers le Maitre : Alquié, Merleau Ponty, Bachelard, Raymond Aron, Jean Nabert, albert Lautman, Jean Cavaillès, et bien d'autres...sans compter ceux qu'il a influencés de manière négative : il est pour moi hors de doute que Sartre, le penseur le plus influent d'après guerre, s'est entièrement construit contre Brunschvicg (qui était directeur de Normale Sup quand Sartre et Beauvoir y faisaient leurs études)... contre, mais donc en référence à... sans Brunschvicg pas de Sartre, et donc pas de Badiou ni de BHL...horresco referens Mort de rire

    "Nous tâcherons d'armer la Sagesse" disait Raymond Aron lors du colloque consacré en 1945 à la récapitulation de la philosophie de Brunschvicg...il préfigurait ainsi la paix armée et l'âge des intellectuels "militarisés" que nous connaissons depuis....

    mais la Sagesse, dont la pensée de Brunschvicg nous offre selon moi l'accès privilégié, a t'elle vraiment besoin d'être armé&e ou défendue par les armes, voire par la polémique intellectuelle ? j'en doute fort !

    on constatera à la lecture de l'article de François Chaubet que Brunschvicg a d'une part supporté stoïquement , à plus de 70 ans, la dureté d'une vie de fugitif, sans se plaindre et sans jamais récriminer pour lui même... à Maurice Blondel (autre grand philosophe) qui venait le voir en signe d'amitié et lui parlait du destin de ses "coreligionnaires" il opposa un vif refus et dit : "Je vous arrête : être français me suffit !".

    Mais, ce qui est le plus important, c'est que Brunschvicg n'a pas cédé d'un pouce sur la pensée !

    François Chaubet y voit quelque chose de regrettable, une sorte de manque de vigueur de cette philosophie incapable de s'adapter aux conditions nouvelles qui allaient être celles de l'après guerre , je cite l'article (dans la "Conclusion"):

    "La défaite et les années d'Occupation vécues dans l'exil intérieur ne marquèrent pas dans la pensée de Léon Brunschvicg un renouvellement. Sa confiance sans réserve dans l'avenir d'une spiritualité qui mettrait le problème de la vérité à la place de la question de la puissance lui permit de faire front, sur le plan moral, aux événements avec une grandeur d'âme et une générosité pour autrui admirables. Mais demeure l'impossibilité pour lui de penser, au sens fort, la défaite et d'opérer un « déplacement » intellectuel de fond.....Brunschvicg, ce non-dialecticien, n'a jamais recherché une quelconque conciliation entre actualité et historicité.  C'est là, si l'on veut, sa principale limite intellectuelle mais aussi la source de la profondeur de sa pensée. " 

    Mais je regrette de ne pouvoir accepter ce verdict: la pensée de Brunschvicg, en ce qu'elle a de plus haut, se situe dans l'éternel, conçu non à la manière imaginative et superstitieuse de la foule (religieuse) comme durée indéfinie, mais comme immanence radicale de l'Esprit-Un aux opérations et pratiques de la science et de la philosophie, soit des disciplines ayant une valeur de vérité. Comme présent éternel au coeur du temps.

    Et c'est bien, en cette conciliation de la rationalité et de l'historicité, en cette "religion de la Raison" sans aucun mysticisme (supra-mystique plutôt qu'infra ou ignorant la mystique), en cet acheminement vers "le dieu des philosophes", soit l'Absolu dans le temps et immanent à la conscience, offert à tout homme acceptant de faire l'effort requis par l'étude de cette pensée exprimée en langue claire et belle mais d'une difficulté extrême, que se situe le coeur du message qu'il a à nous délivrer, encore aujourd'hui, surtout aujourd'hui (à notre époque où il est complètement tombé dans l'oubli des masses pseudo-éduquées, passives ou fanatisées).

    "Celui qui toujours s'efforce, celui là nous pouvons le sauver" disait Goethe dans "Faust" : l'humanisation comme effort perpétuel et tâche infinie de progrès de la conscience intellectuelle, telle est la voie vers "Dieu" , l'"itinerarium mentis in Deum", à laquelle nous convie la voix éternelle de Brunschvicg....

     

     


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  • Samedi dernier je me trouvais en début d'après midi à l'entrée du parc du Luxembourg (côté Quartier Latin) , il faisait un temps sec d'hiver, avec un soleil radieux qui illuminait Paris. Mon attention fut attirée par une série d'affiches, toutes liées de près ou de loin au thème de l'exploration spatiale ou de l'astronomie, et surtout par l'une d'elle représentant la galaxie du Sombrero qui se trouve à 40 million d'années lumière de nous, dans la constellation de la Vierge. Voir :

    http://fr.wikipedia.org/wiki/Galaxie_du_Sombrero

    http://jcboulay.free.fr/astro/sommaire/image_jour/sombrero/page_sombrero.htm

    http://www.futura-sciences.com/galerie_photos/showphoto.php/photo/285/cat/500/ppuser/6349

    http://www.cidehom.com/apod.php?_date=031008

    http://www.boolsite.net/images/wallpapers/Nature_Paysages/Astronomie/Galaxie-sombrero01.html

    http://messier.obspm.fr/f/m104.html

     

    Soudain quelqu'un qui lui aussi admirait cette splendide photo m'adressa la parole...un homme assez jeune, qui d'après ce qu'il me confia travaille dans le domaine de la recherche en physique théorique....

    sans nous connaitre, nous parlâmes de façon détendue , 5 à 10 minutes, puis nous nous séparâmes....j'étais pour ma part tout à fait heureux d'avoir pu rencontrer un frère en humanité, dans cette ville de Paris qui fut l'une des plus belles du monde et fut une "fête", mais où aujourd'hui l'on vous arrête plutôt pour vous vendre quelque chose, vosu demander de l'argent, ou l'heure, vous distribuer un prospectus publicitaire, bref vous instrumentaliser...toute ma journée fut comme illuminée par cette "exception" à la situation générale.

    Que nous étions nous dit d'exceptionnel ? rien ! il m'avait un peu parlé de son domaine de recherche, et je lui avais confié que je ne me lasse pas de regarder le ciel étoilé au dessus de nous, cf ce que j'ai dit sur un blog précédent :

    http://www.blogg.org/blog-64760-billet-kant_et_le_ciel_etoile_au_dessus_de_nous-662769.html

    plongé dans mes pensée en faisant le tour du parc, je prolongeai, comme c'est souvent le cas, cette conversation en tête à tête avec moi même...

    et je me dis qu'il est impossible, si l'on a vraiment saisi la majesté "intelligible" de cette immensité, de perdre encore son temps à "imaginer" pour son "âme" personnelle un destin d'après la mort.

    Bref je me dis que le Sombrero offre à qui le veut un thème de "méditation" (puisque le mot est tellement à la mode) qui s'il est bien conduit réalisera les promesses de l'Evangile et affranchira le méditant de la mort !

    rien que ça !

    Brunschvicg a une formule extraordinaire à ce sujet : il écrit dans "Introduction à la vie de l'Esprit" que la philosophie nous invite à "renoncer à la mort" !

    L'Etoile de la rédemption, de Franz Rosenzweig, s'ouvre sur une critique virulente de cette "solution" (illusoire, d'parès Rosenzweig) philosophique au problème de la mort.  Mais il ne s'agit là que de l'opposition irréductible entre religion (ou voie de salut par la "foi") et philosophie (ou voie de la raison), entre Dieu d'Abraham et "Dieu des philosophes et des savants".

    Mais j'irai même plus loin : ce que nous murmure le Sombrero, c'est l'inanité de toute notion de "salut personnel" !

    Continuant à méditer, je me rappelai l'un des livres qui a exercé sur moi la plus grande influence, la "Montagne magique" de Thomas Mann, et singulièrement le chapitre où le héros Hans Castorp parti pour une promenade à ski est pris dans une tempête de neige et manquant mourir connait un épisode "initiatique" où un "rêve éveillé"  présente à l'oeil de son esprit un tableau imagé sur l'opposition entre apollinisme et dionysisme (dans son rêve il voit de beaux jeunes gens folâtrer sur une plage, alors que non loin de là, dans une grotte, une vieille sorcière dévore des membres humains).

    Ce "songe initiatique"  mène le héros à une "décision résolue" sur le mode heidegerrien : "je veux être bon".

    eh bien c'est à une résolution un peu similaire que pourrait nous mener, me semble t'il, la méditation du Sombrero.

    Etre bon en ce sens que l'homme libéré de lui même, libéré de ses appétits sensibles tout autant que des imaginations du salut personnel de l'âme "éternelle" peut s'ouvrir sur la véritable dimension humaine : une fraternité d'êtres physiquement mortels mais pouvant accéder à une sorte de "présent éternel" dans la conscience intellectuelle qui "constitue" (et non pas "crée", nous ne sommes pas ici dans l'idéalisme naïf) l'Espace-Temps.

     La "Montagne magique " se termine de manière abrupte par le départ (forcé) de Castorp hors de la "montagne des péchés" pour la guerre de 1914 . Ce départ est aussi une libération : il va pouvoir faire ses preuves, vérifier la solidité de sa "résolution", non pas dans la vie de la plaine, pour laquelle il est sans doute définitivement inapte,  mais dans les épreuves terrifiantes de ces années criminelles dans l'horreur desquelles il est plongé malgrès lui. "Vérification" : là encore, nous nous trouvons devant un vocable "brunschvicgien" ; "ce qui est vrai, c'est ce qui est vérifié".

    Quelle pourra être l'épreuve pour nous autres qui avons prêté le "serment du sombrero", à savoir renoncer à la pusillanimité de la vie des mortels se souciant de leur "belle âme" pour nous jeter dans le "vide" (peut être ?)  de la quête intelligible?

    sans doute pas une guerre sur le mode des deux précédentes !

    mais peut être pire : peut être la "surexposition" à ce que l'on appelle la "mondialisation", c'est à dire à l'absence de monde ....

    Si l'on prend au sérieux l'hypothèse qu'il n'y a qu'un seul monde parce qu'il n'y a qu'une seule "Mathesis universalis" devant le "constituer", et que celle ci n'étant pas encore, alors il ne peut y avoir de monde,  il se pourrait bien que cette réponse soit la bonne...


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  • Le livre récent d'Alain Badiou : "De quoi Sarkozy est il le nom ?" me donne l'occasion de rappeler ici, très sommairement, notre position vis à vis de  la philosophie de Badiou , et en quoi nous pouvons rejoindre son engagement contre Sarkozy, ou plutôt contre tout ce dont Sarkozy est le symptôme.

    J'irai droit à l'essentiel , c'est à dire, parmi la "liste" (qui n' en est pas une selon Badiou, ni un "programme") des huit "points" à tenir , au point 3:

    "La science, qui est intrinsèquement gratuite, l'emporte absolument sur la technique, même et surtout profitable"

    Un "point", chez Badiou, doit être conçu comme un "fort" en plein désert, à tenir coûte que coûte contre la "loi du monde" (qui est de nos jours le service des biens et du profit). C'est un "lieu" où la complexité du monde est convoquée à la simplicité du "deux", du choix binaire : soit je résite et je suis victorieux, soit je cède et suis vaincu. Il y a des rapports complexes avec la définition d'un point en théorie des topos. Un point se situe en exception, en "trouée" de la réalité; s'il n'y a pas de point à tenir, alors la seule issue (en dehors du suicide) est la survie dans la soumission à l'abjecte réalité.

    Une telle pensée est de nature héroïque, tout comme celle d'Husserl dans la "Krisis", tout comme celle du "pessimisme rationnel" de Brunschvicg, et en cela nous ne pouvons que l'admirer. Les huit points proposés par Badiou ne sont pas un "programme", d'abord parce qu'ils ne sont pas exclusifs, et ensuite parce qu'il suffit d'en tenir un et un seul, peu importe lequel, pour échapper à la "particularité du service" dans l'universalité d'une discipline de vérité.

    Sur ce blog consacré à la science et à ses rapports avec la philosophie, c'est évidemment le point 3 qui nous retient, et je ne peux que répondre un "oui" sans aucune arrière pensée à ce qui est ici proposé par Badiou.

    C'est la thèse fondatrice des recherches entreprises ici que la naissance de la science moderne, au 17 ème siècle en Europe, constitue une rupture absolue, une mutation épistémologique, philosophique et finalement ontologique  : voir Husserl, qui oppose l'humanité "européenne" qui se donne alors une tâche "infinie" selon une téléologie immanente de recherche de la Vérité et d'universalité , aux humanités simplement ethniques et finies. Brunschvicg lui va jusqu'à dire que l'humanité nait à cette époque, à proprement parler, il veut dire l'humanité dans sa dimension rationnelle et non pas dans celle de l'animal humain dont nous parle la théorie de l'évolution... bien évidemment Badiou ne se  reconnaitrait absolument pas ici...

    Qu'est ce qui motive cette cassure en deux de l'Histoire avec la naissance de la science moderne ? certainement pas les avancées techniques, car elles ne verront le jour qu'à partir du 18 ème siècle avec les premières machines à vapeur. Il est donc certain que la science précède, à la fois ontologiquement, logiquement et temporellement, la technique, la techno-science, le "dispositif" de Heidegger. Et elle est pour nous absolument autre que cette dernière. La Chine connaissait déjà toutes les découvertes techniques de l'Europe à la Renaissance : mais la différence est qu'elle n'avait pas songé à élaborer une théorie universelle du réel pour expliquer pourquoi ces découvertes fonctionnaient. de même une telle universalité manquait dans la science arabe, et dans tous les stades antérieurs dits "scientifiques".

    Je m'inspire aussi de Renan dans "l'Avenir de la science" pour dire que la science ne peut que remplacer la religion, elle est la véritable religion, propre à rapprocher les hommes, tous les hommes, dans l'amour spirituel qui nait de la recherche en commun de la vérité. Le "Dieu" , ou l'Absolu, dans cette optique, a la nature d'un ou de "principes intellectuels", il s'oppose aux (faux) dieux de la supersition religieuse populaire, envisagés de manière anthropomorphique comme ayant des buts, des sentiments, des visées, des relations avec des êtres situés dans l'espace temps.

    Au 17 ème siècle, pas plus qu'en Grèce antique, philosophie et science ne sont séparées. Le dernier stade reconnaissable de ce destin et de cette nature commune est la "mathesis universalis" de Descartes et Leibniz, c'est là la raison de l'importance que j'accorde à celle ci, d'où le nom de ce blog. Mais immédiatement après, à compter du début du 18 ème, on assiste à la rupture entre philosophie et science, se caractérisant essentiellement par la rupture entre philosophie et mathématique.

    Telle est selon moi l'origine du "mal" moderne; et le sarkozysme ne vient qu'entériner, pour la France, le dernier tour de vis de cette tendance profonde, vieille de plusieurs siècles. Et le diagnostic de Smolin et de Woit sur l'impasse actuelle de la physique ne peut que confirmer cela : nous nous trouvons bien, à ce stade de la globalisation et de la mondialisation, devant un abîme où le seul choix laissé à l'humanité semble être celui de la vie purement animale, la "concurrence généralisée" pour le profit économique, disons le nettement : la "guerre de tous contre tous".

    S'il n 'y a que cette seule option, ce choix n'en est pas un : et c'est bien là ce qui "nous arrive" en réalité. Mais une alternative imaginaire et fantasmatique est donnée, notamment dans les discours de Sarkozy, Bush, ou de leur émules islamiques : celui de la religion, de l'Autre monde, du "Monde futur"....bref, pour nous, celui de la superstition religieuse et des balivernes messianiques.

    Par contre est oublié, définitivement enterré semble t'il, ce qui seule, selon nous, peut constituer une alternative réelle à l'animalité pure : le projet scientifique et philosophique d'intelligibilité totale qui fonde l'Occident, celui que l'on trouve chez Spinoza.

    aussi répondrons nous : "présent!"  à l'appel de Badiou pour son point 3...

    quelques mots enfin sur certains autres "points" de Badiou, très brefs car il ne s'agit pas ici de régler des comptes avec cette pensée, ce serait dérisoire et de toutes façons Badiou s'en fout absolument ...

    Les points 2 et 7 ne me posent pas de problème, ils vont pour moi de soi ...

    Point 2 : " L'art comme création, quelles que soient son époque et sa nationalité, est supérieur à la culture comme consommation, si contemporaine soit elle"

    Point 7 : "Un journal qui appartient à de riches managers, n'a pas à être lu par quelqu'un qui n'est ni manager ni riche"

    un journal, ou une radio, ou une chaine de télévision...sans parler des sites web !

    Les désaccords commencent avec les autres points, notamment le 1 ou le 4 :

    Point 4  : "l'amour doit être réinventé, mais aussi tout simplement défendu"

    Je n'ai pas le courage ici de battre le rappel contre cette noble cause de l'amour (il parle ici de l'amour entre homme et femme, pas de l'amour purement spirituel dont parle Brunschvicg et qui nait de la recherche rationnelle en commun)... qui voudrait dire du mal de l'amour , au grand dam de Johnny Halliday et autres Emmanuelle Béart, et passer ainsi pour un monstre ?

     je dirai donc simplement que cette "cause" m'apparait encore bien plus désespérée que celle du point 3, si cela est possible...et donc je passe !

    pour finir j'en viens quand même à ce qui me parait l'atavisme déplorable de tous les "anciens" du marxisme ou  du gauchisme historiques. Je signe pourtant des deux mains à l'hypothèse communiste que décrit Badiou (tout en rappelant que les communistes tels qu'ils ont vécu et agi ne l'ont jamais validée ni même approchée, même de loin... sans parler des divers "régimes communistes").

    non ce dont je veux parler c'est du rôle messianique donné au prolétariat dans le marixsme, celui en tout cas des révolutionnaires soviétiques et de leurs émules. Un rôle qui passe maintenant,chez Badiou  à la "jeunesse populaire d'origine immigrée", si j'en crois le développement bouleversant de la page 94, et qui sort d'un passage de la République de Platon, à la fin du livre IX, où Socrate répond à ses interlocuteurs qui lui signalent que ce qu'il leur a dit à propos de la politique est impossible à réaliser  : "oui dans la cité où l'on est né c'est peut être impossible, mais ce sera peut être possible dans une cité étrangère".

    Badiou interprète ceci comme un appel à l'exil, à l'expatriation, et il a raison, mais a t'il le droit pour autant d'aboutir à ces grandes envolées lyriques que sont :

    "la masse des ouvriers étrangers et de leurs enfants témoigne, dans nos vieux pays fatigués, de la jeunesse du monde, de son infinie variété.... sans eux nous sombrerons dans le nihilisme et l'ordre policier.... que les étrangers nous apprennent à devenir étrangers à nous mêmes, assez pour ne plus être captifs de cette longue histoire occidentale et blanche qui s'achève et dont nous n'avons plus à attendre que la stérilité et la guerre"

    il me semble problématique de passer de l'appel de Socrate (qui réclamerait de nous, si nous le prenions au pied de la lettre, de quitter l'Europe, comme l'a fait René Guénon pour devenir en Egypte le shaykh Abd Al Wahid" à la déclaration d'amour pour les immigrés et à l'espoir que Badiou place en eux...

    attention, il ne s'agit pas non plus de tomber dans l'excès inverse, celui de Le Pen, et de diaboliser l'immigration et les immigrés !

    mais ceux ci sont ils venus pour obéir à l'appel philosophique que Socrate lançait il y a 2500 ans ? certainement pas ! plutôt pour fuir la misère, la guerre, la famine, ou tout au moins pour trouver un sort plus enviable matériellement parlant.

    aussi serait il vain de placer un quelconque espoir de "rédemption" en eux , pour l'homme "blanc" fatigué, nihiliste et revenu de tout.

    Et d'ailleurs l'évolution de personnes comme Rachida Dati ou Rama Yade, qui se ruent dans les bras de Sarkozy et se crêpent le chignon pour approcher de plus près l'élu de leur coeur, semble confirmer cette thèse.

    D'ailleurs Badiou lui même ne craint il pas, lors de la toute récente dernière séance de son séminaire, que la "jeunesse populaire" ne se sépare en deux camps , là encore sortis de la République de Platon retraduite et adaptée par les soins de Badiou (et rien à redire de cette traduction elle est extraordinaire et en remontrerait à maint helléniste grognon) : celui des "gros costauds adeptes du sport et des arts martiaux", et celui des "adeptes de la musique, c'est à dire du baladeur, MP3, CD, etc...". En un mot, le groupe des délinquants et émeutiers, dont on a vu hélas pour Badiou que la haine ne se limite pas aux "keufs" mais s'étend aussi aux lycéens "blancs" qui manifestent, et le groupe des gentils "intégrés" , qui ont perdu toute volonté de changer la société et s'adptent à l'abjecte réalité.

    Je trouve cela attristant de voir cet atavisme de cocus des anciens marxistes ou gauchistes : cocufiés par la classe ouvrière, dont le seul rêve a été celui de l'embourgeoisement , de l'ascenseur social et de la consommation à tout prix, ils récidivent avec l'immigration musulmane, et font campagne contre l'islamophobie et pour le libre port du voile... comme cela est désespérant ! Horreur !


     


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  • Dilemne insupportable en prévision le 15 décembre , en tout cas le matin, puisqu'il y aura téléscopage entre deux manifestations tout aussi intéressantes l'une que l'autre, se tenant de surcroît à quelques dizaines de mètres de distance l'une et l'autre : la journée Simondon au 29 rue d'Ulm et le séminaire Mamuphi de François nicolas, qui portera sur les thèses philosophiques de Ralph Krömer à propos de la théorie des catégories (notamment dans son ouvrage récent "Tool and object"), présentées par l'auteur lui même.

    Voici les informations à propos de ces deux réunions, accessibles gratuitement à tout le monde:

    Journée Simondon :

    Le Centre international d'étude de la philosophie française
    contemporaine
    de l'ENS Ulm
    et la Maison des Sciences de l'Homme de Paris-Nord sont heureux de
    vous
    inviter à la

                                    Journée d'étude
                                    « L'individuation de Simondon »

                                     Samedi 15 décembre, 9h-18h30
                                     29 rue d'Ulm, salle Jules Ferry

          La philosophie française se voit depuis quelques années
    enrichie d'une redécouverte : celle de l'ouvre de Gilbert Simondon
    (1924-1989). Or, l'une des nombreuses forces de cette ouvre est de
    rendre compte de ce dont elle bénéficie justement aujourd'hui : un
    processus d'individuation. Car Simondon n'avait écrit son ouvrage
    classique Du mode d'existence des objets techniques (1958) qu'en
    prolongement de L'individuation à la lumière des notions de forme
    et d'information, qui proposait une épistémologie et une ontologie
    consacrées à la genèse des êtres physiques, vitaux et psycho-
    sociaux. Et la description simondonienne de ce dernier « régime »
    psycho-social ou « transindividuel » d'individuation s'applique
    entre autres à ce phénomène qu'est la propagation d'une pensée.
    D'où la possibilité et peut-être même la nécessité de revenir sur
    ce que Simondon entendait par « individuation » en éclairant par là
    ce qui arrive aujourd'hui à cette pensée. Telle est «
    l'individuation de Simondon ».
          L'Ecole Normale Supérieure rend ainsi hommage à l'un de ses
    anciens élèves, dont l'ouvre majeure aura bientôt un demi-siècle
    exactement, et dont l'actualité est paradoxalement accrue à
    l'époque nouvelle des techno-sciences et des technologies de
    l'information.


    Matinée (accueil à 9h) : épistémologie et ontologie, du physique au
    transindividuel.

    9h15 : Frédéric Worms (ENS et Lille 3) : présentation de la journée.

    9h30 : Jean-Hugues Barthélémy (Paris 8 et MSH Paris-Nord) : «
    L'individuation de Simondon : réformer l'idée de Système
    philosophique ».
    10h : discussion.

    10h 10 : Vincent Bontems (LARSIM-CEA) : « Simondon et la Mécanique
    Quantique : lectures du chapitre Forme et Substance ».
    10h 40 : discussion.

    10h50 : Pause

    11h00 : Jacques Roux (CRESAL, Saint-Etienne) : « A l'écoute de
    Simondon : quels seraient les traits d'une sociologie
    transindividuelle ? »
    11h30 : discussion.

    11h40 : Bernard Stiegler (Centre Pompidou) : « Transindividuel et
    préindividuel chez Simondon ».
    12h10 : discussion.


    12h20 - 14h : pause déjeuner.


    Après-midi (accueil à 14h) : pensée de la technique et de l'art, ou
    la culture revisitée.

    14h10 : Xavier Guchet (Paris 1) : « Humanisme et technologie chez
    G. Simondon ».
    14h40 : discussion.

    14h50 : Ronan Le Roux (EHESS/Centre Maurice Halbwachs) : « Simondon
    s'individuant comme penseur de la Technique : mécanologie,
    cybernétique et théories des machines dans la Francedes années
    cinquante ».
    15h20 : discussion.

    15h30 : Pause

    15h40 : Ludovic Duhem (Lille 3) : « La tâche aveugle et le point
    neutre. Note sur le double faux départ de l'esthétique de Simondon ».
    16h10 : discussion.

    16h20 : Anne Lefebvre (Lille 3) : « L'ontologie de la technique
    comme philosophie première ».
    16h50 : discussion.

    17h 00: projection de l'entretien filmé sur la mécanologie 1 (1h14)
    Jean Le Moyne interroge Gilbert Simondon
    à Mazeaux-par-Tence (Haute-loire) en août 1968.
    Bibliothèque et Archives nationales du Québec

     

    Séminaire mamuphi:

    Samedi 15 décembre 2007 (10h - 12h30) : Séminaire mamuphi
    École normale supérieure -  45, rue d'Ulm - Paris 5° (Salle Info 4)

    Ralf Krömer  - La théorie des catégories : un outil d'analyse musicale aux yeux de la critique philosophique. 

    Il s'agira ici principalement de présenter l'interprétation philosophique de la théorie des catégories telle que l'intervenant l'a exposée dans son livre récent (Tool and Object, Birkhäuser 2007).

    Cette interprétation se distingue du structuralisme mathématique de Bourbaki et s'inspire plutôt du pragmatisme de Peirce ; elle concerne notamment les problèmes fondationnels de la théorie des catégories, mais en même temps les enjeux épistémologiques de son applicabilité dans différents contextes.

    À titre plus général, on s'intéressera beaucoup à la relation d'une théorie mathématique à ses applications. À partir de là, on espère pouvoir contribuer aussi au propos plus précis du séminaire qui est la recherche d'une philosophie pertinente des méthodes mathématiques en analyse musicale.



    Calendrier 2007-2008
    • 6 octobre 2007 : Moreno Andreatta, François Nicolas - Charles Alunni
    Disponible : François Nicolas - D'un quatrième moment mamuphi (www.entretemps.asso.fr/Nicolas/Textes/4Mamuphis.htm)
    • 10 novembre 2007 : Stéphane Schaub - François Nicolas
    Disponible : François Nicolas - Déconstruire la music theory (1) : David Lewin (www.entretemps.asso.fr/Nicolas/2007.2008/Lewin.htm)
        Déconstruire la music theory (2) : Milton Babbitt (www.entretemps.asso.fr/Nicolas/2007.2008/Babbitt.htm)
    • 1° décembre 2007 : Francis Borceux
    Disponibles : Francis Borceux - Des jets aux infiniment petits : quand l'intuition se mue en rigueur (www.entretemps.asso.fr/maths/Borceux.pdf)
       François Nicolas : Quelques raisonances musicales de l'exposé de Francis Borceux (www.entretemps.asso.fr/Nicolas/2007.2008/Raisonances.Borceux.htm)


    • 12 janvier 2008 (salle Weil) : Ralf Kromer
    • 2 février 2008 (salle Weil) : Hector Parra
    • 15 mars 2008 (salle Weil) : René Guitart
    • 5 avril 2008 (salle Weil) : Stephan Schaub
    • 17 mai 2008 (salle Weil) : Thierry Paul


    Site mamuphi

    Pour tout renseignement
    Charles Alunni : charles.alunni@ens.fr 
    Moreno Andreatta : moreno.andreatta@ircam.fr 
    François Nicolas : fnicolas@ens.fr / fnicolas@ircam.fr     

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  • Plusieurs livres pour s'initier (et beaucoup plus que s'initier) à la théorie des catégories et en particulier à la théorie des topoi sont accessibles librement sur Internet.

    Toposes, triples and theories (par M Barr et C Wells) :

    http://www.tac.mta.ca/tac/reprints/articles/12/tr12abs.html

     

    Abstract and concrete categories (The joy of cats):

    http://www.tac.mta.ca/tac/reprints/articles/17/tr17abs.html

    Topoi, the categorial analysis of logic (par R Goldblatt) :

    http://cdl.library.cornell.edu/cgi-bin/cul.math/docviewer?did=Gold010&seq=1&frames=0&view=50

    (on peut se procurer ce dernier livre, qui reste l'un des meilleurs parce qu'il dépasse souvent le niveau proprement scolaire pour aborder les problèmes philosophiques,  chez Dover à bas prix)

     


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