• Ce film est adapté d'une histoire vraie, bien que selon des personnes bien informées il ne prenne quelques libertés avec la réalité (voir les liens qui seront donnés plus loin).

    Charles Wilson (interprété par Tom Hanks) est un obscur député démocrate, amateur d'alcool et de parties fines (il a comme surnom "Good time Charlie") sur lequel une milliardaire texane fantasque, bigote et obsédée par l'idée de croisade anticommuniste, Joanne Herring (interprétée par Julia Roberts) jette son dévolu afin de l'amener à infléchir la politique de l'administration américaine vis à vis de la guere menée par l'URSS en Afghanistan (nous sommes en 1980, c'est le début des années Reagan).

    Emu par une visite des camps de réfugiés, il dépasse les espérances de sa protectrice et arrive au fil des années à créer de toutes pièces ce qui reste la plus grande opération secrète (secret de polichinelle) de la CIA : subventionner et armer les mudjahiddine (qui plus tard deviendront les talibans) et provoquer la déroute de l'armée soviétique, puis la chute de l'empire soviétique et du rideau de fer, la fin du communisme et donc de la guerre froide par le k-o  total des "rouges" et la victoire totale du "monde libre" ...

    La thèse du film est assez extrême et tend à attribuer à Wilson tous les mérites dans cette "mise à mort" du communisme : mais bien sûr nous sommes à Hollywood, il s'agit de jouer sur le registre dde l'incroyable, à savoir l'influence qu'a pu avoir un obscur petit député dans l'évènement géopolitique majeur de la deuxième partie du 20 ème siècle. Il ne faut pas considérer ce film comme un document historique

    Voci quelques liens pour se faire une idée plus juste des choses, permettant de relativiser (du point de vue historique) :

    sur le film  :  http://en.wikipedia.org/wiki/Charlie_Wilson's_War

    sur le "vrai" Charles Wilson : http://en.wikipedia.org/wiki/Charles_Wilson_%28Texas_politician%29

    sur la "vraie" Joanne Herring : http://en.wikipedia.org/wiki/Joanne_Herring

    qui d'ailleurs possède un site dont je conseille à ceux qui apprécient une bonne séance de rigolade le paragraphe consacré à la foi religieuse ("Faith") ...vous y apprendrez notamment qu'il est facile de surfer sur un arc en ciel, il suffit de se persuader qu'on est en train de le faire Mort de rire:dans le film elle amène Wilson à ses fins en couchant avec lui... je me permets d'émettre quelques doutes là dessus.. si c'était vrai cela au moins serait drôle.... mais les croyants, qu'ils soient bigots ou "sauvés par Jésus du désespoir", comme c'est le cas de Bush et comme cela semble être le cas de cette Joanne Herring, sont tout sauf drôles...ce sont des pitres, mais leur pitrerie ne porte pas à rire...

    http://www.joanneherring.com/

    enfin deux liens plus sérieux (à ce qu'il semble ?) pour faire la part des choses sur le plan historique, et notamment à propos de l'influence (culpabilité ?) de la CIA dans la "création" du monstre Al Qaeda-Ben Laden (thème qui n'est pas abordé franchement par le film, mais seulement de manière implicite et suggestive):

    http://www.americanthinker.com/2008/01/whos_war_separating_fact_from.html

    http://usinfo.state.gov/media/Archive/2005/Jan/24-318760.html

    Passons maintenant aux choses sérieuses, du point de vue de ce blog en tout cas, choses qui ont très peu à voir avec le cinéma, même le "bon cinéma", ou avec les réalités historiques ou géopolitiques.

    Au fond, qu'est ce qui reste "dans la tête" de ceux qui ont vu le film ? quelle est, donc, la thèse qu'entend promouvoir le film ?

    Il est clairement suggéré (et  à juste titre, c'est bien la réalité de ce qui s'est passé) que ce sont les religieux, les évangélistes chrétiens américains fanatiques qui ont instrumentalisé le pouvoir politique afin de mener une croisade anticommuniste en armant les mujahhidine afghans.

    Charles Wilson est présenté dans le film comme un personnage très sympathique (ce qu'il est sans doute, encore une fois ce n'est pas cela qui est l'objet de mes propos) qui n'est pas dupe des motivations profondes de ceux qui l'instrumentalisent , et qui essaye de mettre un frein à leurs obsessions religieuses.

    Il prend conscience (grâce à son "complice" de la CIA Gust Avrakotos (interprété par l'extraordinaire Philipp Seymour Hoffman) du danger qu'il y a à armer ainsi des fanatiques islamiques; pour parer à ce danger, il essaye de persuader la commission, après la déroute de l'armée russe, de voter des crédits substantiels pour reconstruire l'Afghanistan, et surtout ouvrir des écoles afin de former toute cette jeunesse qui forme la majorité de la population. Mais peine perdue... il y a maintenant (au début des années 90) d'autres priorités, la guerre du Golfe, l'aide aux pays d'Europe de l'Est, etc..

    au fond, cela revient à dire que : bien sûr, l'Amérique est gangrenée par des fanatiques religieux chrétiens, bien sûr les américains sont incultes en majorité, ignorant l'emplacement de l'Afghanistan, les réalités de l'Islam, etc...

    mais il y a dans les idéaux américains une part "bonne", incarnée par le personnage de Wilson : et si les décideurs politiques l'avaient écouté jusqu'au bout, l'Afghanistan aurait été reconstruit, la démocratie y aurait vu le jour, et l'islamisme aurait été évité. Le monde parfait, en somme !

    Cette thèse n'a qu'un seul inconvénient, c'est qu'elle est fausse !

    Car en admettant même que des crédits très importants aient été votés, une sorte de Plan Marshall pour la région donc, que des écoles "démocratiques" aient vu le jour pour remplacer les madrasas, quel aurait été l'enseignement dispensé ? celui , ultra-relativiste, qui est dispensée depuis 40 ans ou plus aux USA, qui met par exemple sur un pied d'égalité les mythes peaux rouges sur le peuplement des USA à l'époque préhistorique avec les thèses scientifiques.

    Or le relativisme post-moderne "démocratique" et "tolérant" peut tout dissoudre (et il l'a fait, en tout cas en Occident) sauf une chose : l'Islam.

    l'Islam n'est pas soluble dans la démocratie, comme les "belles âmes" chrétiennes , "antiracistes", pour la "liberté de croyance", de gauche, ou "néo-cons" sont en train de l'apprendre depuis 2001, et notamment en Irak.

    L'Islam, c'est en somme comme le "réel" selon Lacan : c'est ce qui résiste....  aux beaux yeux d'Emmanuelle Béart, BHL  ou Arielle Dombasle ....

    L'inconvénient majeur des thèses de ce film, c'est de ne proposer qu'un faux choix, un choix qui ne peut que favoriser (s'il en était encore besoin) le nihilisme occidental profond , la plaie de notre époque : le choix entre le fanatisme religieux (dépeint par nous sous l'étiquette "Dieu d'Abraham") et l'athéisme post moderne, à base de relativisme sceptique et de multiculturalisme "tolérant, universaliste et démocratique"  : réalise toi, c'est tout ce qui compte, tout est vrai donc tout est faux, ce qui seul importe est de réaliser ses désirs en accord avec la loi de tous et les sacro-saints "droits de l'homme", chacun est libre de croire ce qu'il lui plait de croire, et de faire ce qu'il lui plait de faire en accord avec les lois et la libre entreprise...."we are in a free country", "it's a free world"

    et pour le reste "jouissons sans entraves", "boire un petit coup c'est agréable mais il ne faut pas rouler dessous la table" etc..etc.. etc..ad nauseam !

    en somme : ce que Nietzsche (mais Nietzsche est encore trop chrétien à nos yeux, ne serait ce que dans ses vociférations anti-chrétiennes) dépeignait comme le "dernier homme qui sautille sur la Terre trop étroite en clignant de l'oeil"... ou ce que Badiou (mais Badiou est encore trop chrétien à nos yeux, ne serait ce que dans son athéisme) thématise comme le "matérialisme démocratique".

    Or ce sera toujours le Dieu d'Abraham qui gagnera face au relativisme démocratique et multiculturaliste, pour une raison bien simple : la gueule de bois ne donne aucun sens à la vie, la prière cinq fois par jour si  !

    conclusion : concluez vous mêmes !

    et si vous croyez que l'Islam pratiquera la tolérance multiculturelle....

    Tout le sens de notre entreprise, c'est de définir une autre voie pour ceux qui ne veulent pas de ce choix imposé et truqué... une voie qui n'est pas celle du matérialisme dialectique de Badiou...oh pardon, il dit "dialectique matérialiste" .

    On ne sort du besoin de "prier" comme du besoin symmétrique de boire ou de "grimper aux rideaux", que si l'on sort du dilemne entre "la vie ayant un sens" et "la vie où le vide n'est pas comblé" : et cette sortie, qui est "la sortie hors de la religion qui est la sortie de la religion" , ne se fait que si l'on échappe au besoin d'un sens tout fait, donné de l'extérieur, par une autorité d'En Haut, en s'établissant fermement et entièrement dans ce qui donne toute notion de sens ou de non-sens, dans la source de tout jugement donc : l'Intellect.

    C'est ce que nous appelons le "Dieu des philosophes et des savants", qui ne se rencontre pas en "face à face" mais d'esprit à esprit...qui ne se rencontre pas du tout donc, et qui n'intervient en aucun cas dans l'Histoire ou dans l'Espace -Temps.

    Que veut dire, en somme, "faire la volonté de Dieu" ? en aucun cas prier ou obéir à des interdits ou impératifs bizarres , qu'ils soient "moraux", sexuels ou alimentaires... mais simplement : travailler au travail infini de la Raison, dans la science et la philosophie, la philosophie qui n'est autre que la science des sciences, ou encore la Raison réfléchissant sur elle même et prenant conscience d'elle même comme étant "toute réalité" (Hegel), en un acte de connaissance intégrale selon les termes de Léon Brunschvicg.

    En attendant, ils ont gagné, les petits gnômes qui sautillent en clignant de l'oeil et en buvant un coup, par exemple au Fouquet's ou sur le yacht en compagnie de la belle Carla Bruni,  ou bien qui s'agenouillent ou se mettent les fesses en l'air pour prier un "Dieu" transcendant (donc imaginaire) auquel on se "soumet" pour qu'il vous donne la victoire sur "ceux d'en face" qui le prient sous un autre nom (il y a une phrase qui vaut son pesant d'or dans le film, au moment où ils donnent aux Afghans des armes très sophistiquées : "Dieu est de notre côté ! " suivi de "et si un jour il est des deux côtés ?").

    Oui, ils ont gagné, et la Terre est maintenant entièrement soumise au Mal et livrée aux démons, que ceux ci soient de l'Est ou de l'Ouest....


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  • Les lignes suivantes sont extraites de l'excellent livre de Bernard Rousset : "La perspective finale de l'Ethique et le problème de la cohérence du spinozisme" (Vrin reprise):

     "il ne saurait être question d'attendre quoi que ce soit d'une illusion salutaire : la formule est une contradiction, puisque l'illusoire ne peut nous sauver réellement de rien, et qu'il n'a d'autre résultat que la dé"sillusion; seul le vrai est salutaire"

    (un autre a dit, plusieurs siècles avant Spinoza : "la vérité vous rendra libres")

    "Or il n'y a ni vérité assurée ni salut possible dans la simple croyance, dans la confiance de la foi : en dehors de la vérité rationnelle parfaitement comprise dans son contenu comme dans son fondement,  il n'existe que l'afirmation gratuite qui est capable de poser le faux comme le vrai, le mal comme le bien; même si elle rencontre le vrai et le bien, la croyance en tant que telle, parce qu'elle ne sait pas lucidement ce qu'elle pose ni pourquoi elle le fait, restera tojours instable et inquiète, et cela d'autant plus qu'elle admettra en son objet du mystérieux, dont elle ne sait quoi attendre"

    A n'en pas douter, il faut voir là l'origine du fanatisme religieux : il est faux que la "crainte soit le commencement de la sagesse" !

    Aussi avons nous l'obligation (nous hommes du 3 ème millénaire), si du moins nous voulons survivre, de substituer aux religions, à toutes les religions, qui sont toutes entachées de "mysterium tremendum" et de transcendance, ainsi que de reliquats de superstitions ethniques, même celles qui se prétendent "universelles", par l'unique religion de vérité, la relgio philosophica : religion en tant que lien entre tous les hommes, seul à même d'assurer et de fonder enfin l'unité du genre humain, en quoi Brunschvicg voyait le but indépassable de la poursuite de la sagesse.

    Le même Brunschvicg souligne de façon lumineuse une certaine dissymétrie dans les affaires et les conduites humaines qui explique pas mal de choses : si les principes de symétrie sont si importants en physique, les dissymétries le sont tout autant pour la compréhension du quotidien... voici ce que Brunschvicg observe : il est humain de fuir, et donc de tourner le dos, ce que l'on redoute; qui fuit tend à s'éloigner de ce qu'il fuit, et s'il s'en éloigne il est bien évident qu'il sera incapable de vérifier et de scruter vraiment l'objet de sa crainte (révérencieuse, "sacrée" ou profane). Il est donc établi que le "mystère" va de pair avec la peur. Réciproquement, l'admiration, la révérence, s'accompagne du plaisir de contempler, de chercher à connaitre....il est donc certain aussi que la "crainte révérencieuse" (c'est à dire la crainte comme commencement de la Sagesse, "reshit Hokmah" en termes bibliques) est une contradiction dans les termes.

    La connaissance, la véritable connaissance, issue de la libre recherche de la vérité et du libre exament au moyen de la Raison, impliquera toujours de scruter pateimment l'objet à connaitre en changeant de point de vue, ce qui implique sans doute les fameux principes de symétrie de la physique et aussi de la philosophie fondamentale : une symétrie consiste en une certaine invariance de l'objet contemplé selon des orientations diverses. Elle impliquera aussi , (puisque le changement provoqué et exploré du "point de vue" passe par la diversité des approches, et quelle meilleure diversité que la diversité des chercheurs ? ) l'intersubjectivité, la recherche en commun de la vérité, d'où nait le véritable amour entre les hommes, qui n'a rien à voir avec l'amour "sexuel" ou romantique (que je ne cherche pas à éliminer, mais seulement à situer dans sa véritable perspective).

    Mais continuons avec le texte de Bernard Rousset :

    "Il est aussi illégitime d'espérer le salut d'une réalité extérieure ou transcendante: en effet, loin d'être certains de la possibilité de notre salut, nous dépendrions à cet égard d'un terme dont le décret nous échapperait; qui plus est, l'objet de notre aspiration risquerait de ne pas répondre exactement et pleinement au désir de notre nature, en sorte que sa possession serait encore l'expérience d'un manque; enfin, il ne nous serait donné que sur le mode de l'attente et de l'absence; par rapport à lui, notre vie resterait nécessairement malheureuse"

    Or l'objet de la quête philosophique doit nous procurer une joie continue et souveraine : science comme philosophie est incompatible avec la crainte, le tremblement ou le malheur de la conscience ...

    "il est en outre indispensable que nous ne placions pas en l'absolu tout ce qui satisfait les caprices et les passions qui nous déchirent, et que nous ne retrouvions pas en Dieu tout ce qui nous gêne en l'homme : l'anthropocentrisme et l'anthropomorphisme sont apparemment des solutions faciles au problème du salut, trop faciles même dans la mesure où l'on se donne ce qu'on cherche; mais en réalité, outre la fausseté de ces fictions, l'homme reste alors prisonnier, ou se rend encore plus prionnier de ce dont il prétend vouloir se libérer, le décret arbitraire et le sentiment subjectif portés à l'infini....

    seule la vérité objective de l'immanence se possédant elle même en toute certitude rend le salut possible"

    Les religions anthropomorphiques que sont les religions abrahamiques sont ici jugées : un "Dieu" dont le décret arbitraire déciderait de qui est "sauvé" (agréé) et qui est rejeté, un tel Dieu ne saurait satisfaire l'exigence de la Raison et de l'autonomie. A contrario, le spinozisme apparait ici dans sa splendeur de rationalisme absolu, bien différent du rationalisme cartésien laissant place au mystère en ce qu'il établit l'infini comme hors de la portée de la compréhension humaine rationnelle (en son essence toutefois, car l'existence de Dieu est établie de manière rigoureusement intelligible par les fameuses "preuves").

    Spinoza est le véritable inspirateur de Brunschvicg comme d'Einstein, bien plus que Descartes ; mais l'on doit tout de même admettre que sans Descartes, pas de Spinoza, et donc pas d'Einstein. Telle est la longue chaine de la Raison....

    à noter d'ailleurs que Thibault Damour, dans son livre formidable "Si Einstein m'était conté" , évoque le caractère admirable, dans sa simplicité même, du premier article fondateur d'Einstein en 1905, celui issu de l'illumination de Mai 1905 et qui fondera la relativité restreinte. On trouvera cet article (en allemand) avec les trois autres de l'annus mirabilis 1905 (où sont en germe la physique quantique comme la relativité ou le mouvement brownien) à cette adresse :

     

    Voici ce que dit Thibault Damour :

    "ce court article d'Einstein est l'un des plus importants articles scientifiques du 20 ème siècle. C'est aussi l'un des plus beaux; il a une perfection axiomatique digne des traités de géométrie euclidienne qu'Einstein enfant avait tellement appréciés. Sa logique se déploie sans efforts apparents, comme certaines des plus belles pages de musique de Mozart"

    Il aurait pu aussi citer Spinoza, et le mot "euclidien" doit nous alerter dans cette citation de Damour : on sait que la forme axiomatique de l'Ethique est tout entière euclidienne. On sait aussi que les grands philosophes classiques évoqués ici avec admiration (Descartes, Spinoza, Leibniz, Kant) sont dépendants de la forme "classique" de la science (mathématico-physique), celle qui existait justement avant la révolution du vingtième siècle marqué par la relativité et la physique quantique, révolution dont nous ne sommes pas encore au bout, comme en témoigne le livre de Smolin "Rien ne va plus en physique" lui aussi analysé ici.

    En physique, cette forme "classique" de la pensée scientifique trouve son achèvement dans la physique newtonienne puis dans la beauté formelle et la rigueur conceptuelle de la mécanique lagrangienne et hamiltonienne. Elle est venue remplacer la physique d'Aristote, à partir du 17 ème siècle et des travaux de Galilée.

    En mathématiques, logique et philosophie, elle est celle de l'axiomatique euclidienne, dont Spinoza s'inspire pour donner un cadre à son Ethique. Là ce sera l'apparition des géométries non euclidiennes au 19 ème siècle qui donnera le signal du renouveau, puis leur utilisation par Einstein au 20 ème siècle dans la relativité générale.

    Voici d'ailleurs l'hommage qu'Einstein rend à Newton, dans un passage écrit à la fin de sa vie ("Eléments d'autobiographie") :

    "Newton, pardonne moi; même pour un homme doué de ton incomparable puissance de réflexion et de création, il n'y avait à ton époque qu'une seule voie possible : tu l'as trouvée"

    Il n'y avait qu'une voie possible parce que les géométries non euclidiennes n'étaient pas encore inventées, et parce que l'humanité du temps de Newton avait encore un pied dans le Moyen Age et son système du Monde envisagé à travers les sphères planétaires concentriques, mues par des Intelligences célestes. système si rassurant pour l'âme .... la postulation par Newton d'un temps et d'un espace "absolus et mathématiques" (formalisés dans les "Principia mathematica") donnaient à la nouvelle physique des instruments théoriques d'une puissance encore inégalée, à même de faire franchir à l'intelligence le "cap", et de l'affranchir du cadre aristotélicien et scolastique.

    Or si l'on prend maintenant au sérieux la thèse (qui sous-tend toutes les recherches menées ici) selon laquelle la philosophie a pour "condition" la science, c'est à dire a besoin de la science piour se développer en se différentiant d'elle tout en l'assumant, alors la philosophie qui prendra la suite de la philosophie classique n'est pas encore née !

    Bien entendu certains diront qu'elle existe, et que c'est celle de Badiou, qui s'établit sur les découvertes cantoriennes et sur celles de Grothendieck et Lawvere dans la théorie des topoi. Mais nous ne saurions accepter cette affirmation, car Badiou fait largement l'impasse sur la physique : il n'a rien à dire sur la relativité, pas plus que sur la physique quantique.

    Et comment le pourrait il d'ailleurs, puisque selon le mot de Feynman : "si vous avez compris quelque chose à la physique quantique, c'est que vous n'avez rien compris à la physique quantique ! "Mort de rire

    Smolin assigne comme tâche à la physique du 21 ème siècle l'un des cinq grands problèmes qu'il énonce, le plus important sans doute, et qu'il appelle celui des fondements de la physique quantique.

    Il s'agit en fait de parvenir à une compréhension philosophique,  parfaitement rationnelle, de ce qui de nos jours reste obscur et imparfaitement intelligible (si maniable parfaitement et vérifiable par des calculs) . Et ce problème va de pair avec celui d'un assomption sous une théorie unifiée de la relativité et de la gravitation avec le quantique et les trois autres interactions.

    Brunschvicg ne pensait pas autre chose quand en 1941-44 il étudiait avec admiration les travaux de ses élèves (comme Lautman) en relation avec la physique quantique encore dans les limbes (philosophiquement en tout cas), qu'il admettait ne pas comprendre totalement. Mais hélas l'armée hitlérienne nous a ravis Lautman comme Cavaillès, ces deux penseurs exceptionnels issus de l'enseignement de Brunschvicg.

     

     

     


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  • J'écoutais l'autre jour l'excellente émission d'Alain Finkielkraut : "Répliques" (tous les samedis de 9h à 10 h sur France Culture) consacrée ce jour là à "Saint Augustin aujourd'hui", à l'occasion de la sortie d'une nouvelle traduction des Confessions d'Augustin par Frédéric Boyer (qui a modifié la traduction traditionnelle du titre pour "Les aveux").

    L'intérêt et la qualité de l'émission de Finkielkraut ne sont pas en cause, mais j'ai regretté que les intervenants passent tant de temps (la plus grande partie de l'heure) à propos de problèmes techniques de traduction, et aussi à propos d'un thème il est vrai inévitable quand on parle d'Augustin et du christianisme subséquent : la "question sexuelle".

    La traduction par "les aveux" est à mon avis un peu regrettable en ce qu'elle ne retient (en apparence du moins, au sens du terme qu'a pris de nos jours le mot "aveu") qu'une dimension moralisante de "péché et d'aveu" alors qu'il en existe d'autres dans le mot "confessions", et notamment celle de louange, d'actions de grâces : ce n'est certes pas moi qui vais m'en plaindre, mais quand on parle d'un des fondateurs de la spiritualité chrétienne, cela peut paraitre exagéré !

    Quoiqu'il en soit, Finkielkraut a mis le doigt sur la mutation radicale introduite par Augustin par rapport à la philosophie antique, qu'il connaissait parfaitement : le Dieu d'Augustin, le Dieu chrétien donc, est un Dieu vers lequel on se tourne, auquel on parle, auquel on se confie, sur l'épaule duquel on peut faire reposer son fardeau aux heures d'épreuve. Par contre l'Un plotinien n'est pas à rencontrer en face à face, il n'est pas question d'avoir un entretien avec lui, ni d'imaginer des pensées, sentiments ou intentions qu'il aurait à l'égard des créateures, prises individuellement ou dans leur ensemble.

    Finkielkraut a résumé tout ceci dans une formule : Augustin passe du "Dieu" de la philosophie au Dieu de la Foi, au Dieu d'Abraham.

    Il se situe donc ici dans la controverse qui oppose depuis Pascal le "Dieu des philosophes et des savants" au "Dieu d'Abraham".

    Brunschvicg quant à lui a une formulation encore meilleure, et surtout initiatrice, provocatrice à l'évolution spirituelle réelle :

    "Dieu n'est pas à rencontrer en face à face, mais d' esprit à esprit"

    ainsi que : "Dieu n'est pas un être dont il y a vérité (cad valeur de vérité, savoir s'il existe en vérité ou non), mais par lequel il y a la vérité", ce qui renvoie à la formulation de Spinoza dans le "Court traité" : "Dieu est la Vérité".

    ainsi le Dieu de la philosophie, de la vraie philosophie, c'est à dire pour nous, inspirés par Brunschvicg, Descartes, Spinoza et Einstein, de la philosophie et de la science unifiées , soit donc le "Dieu des philosophes et des Savants", est il la source dont nait la Raison, qui n'est rien d'autre que la recherche de la Vérité, la recherche de la source. Selon Brunschvig, le Dieu de Descartes doit être vu comme partageant avec l'homme une commune orientation vers la Raison. Il a peut être tort vis à vis du Descartes historique en faisant cette interprétation, puisque les livres d'Alquié ou de Laporte ("Le rationalisme de Descartes") mettent en évidence un Descartes qui était et est resté indubitablement chrétien (et ce, philosophiquement parlatn, non pas extérieurement, comme pourrait le laisser entendre son aveu "qu'il est resté fidèle au dieu de sa nourrice"). Mais si Brunschvicg a tort de manière factuelle, il a ses raisons, et il a raison Mort de rire.

    "Les confessions" est aussi un livre de philosophie, et Augustin est un grand philosophe, aucun doute là dessus. Mais le chrétien Augustin prend dans ce livre le dessus sur Augustin philosophe. Et le grand philosophe Jean-Luc Marion s'est même servi d'Augustin pour contrer Descartes et démontrer (selon lui) l'impossibilité du Cogito : j'ai assisté à ces conférences à l'Institut catholique de Paris, oui il m'arrive de pénétrer en ces lieux de perdition, muni de gousses d'ail et d'une flasque de vodka, on ne sait jamais ...et si je retrouve les notes que j'ai prises, je tenterai peut être d'expliquer pourquoi je ne saurais approuver Marion, même si je reconnais que je ne lui arrive pas à la cheville pour la culture philosophique !

    C'est là la tâche de l'humanité moderne de discriminer, dans l'héritage chrétien, entre l'amande savoureuse, le Logos philosophique, et l'écorce mythologique religieuse, et de ne pas jeter le bébé philosophique avec l'eau du bain chrétien. C'est encore plus nécessaire avec les grands fondateurs de la philosophie moderne que sont Descartes et Malebranche. Et la lecture de Brunschvicg nous y aide puissamment.

    Chez tout philosophe il existe un traité d'initiation , de tournure analytique, racontant les évènements arrivés, survenus à une conscience, et un traité d'exposition synthétique, dogmatique : chez Augustin ce sont les "Confessions" , par opposition à la "Cité de Dieu" ; chez Descartes ce sont les "Méditations" s'opposant aux "Principes de la philosophie"; chez Spinoza c'est le "Traité de la réforme de l'entendement" par opposition à l'Ethique; et enfin chez Hegel c'est la Phénoménologie de l'Esprit, qui retrace l'itinéraire de la conscience, son Odyssée, par rapport à la Logique, "science de la pensée divine avant la création du monde" !

    Nous n'entendons pas renoncer à l'initiation, à la conversion, mais cette conversion doit être selon nous intellectuelle, rationnelle, et non pas mystique ou religieuse : la spiritualité augustinienne, ou pascalienne, si tentatrice, n'est justement selon nous que tentation , elle ne mène qu'à l'illusion et au néant.

    Pour parcourir ce chemin d'initiation, de conversion intellectuelle, je ne saurais donc que recommander (plutôt que les lourdeurs hégéliennes) ces deux joyaux que sont les Méditations cartésiennes ("Meditationes de prima philosophia") , et le "Tractatus de emendatione intellectus" (Traité de la réforme de l'entendement)  de spinoza, suvies pourqoi pas de la Recherche de la vérité de Malebranche, mais accompagnées en tous les cas par le livre de Brunschvicg : "Vraie et fausse conversion", lisible sur Gallica, voir les références sur ce lien :

    http://groups.msn.com/Principiatoposophica/philosophie.msnw?action=get_message&mview=0&ID_Message=3&LastModified=4675651624129826958

    et je mettrai aussi le livre en ligne, peu à peu, sur :

    http://www.scribd.com/groups/view/3363-itinerarium-mentis-in-deum

    Mais l'on sait que toute détermination est négation, et que la voie négative a ses charmes, en théologie aussi bien qu'en philosophie : nous avons la chance, grâce à notre ami Allah-Mahomet, de disposer d'une exposition tout à fait lumineuse de ce qu'est la "fausse conversion", dans la Sourate 9 du Coran intitulée "At-tawbah", ce qui est traduit dans mon édition par "Le repentir", là encore à un niveau dégradé en moralisation par rapport au niveau de la spiritualité pure qui est celui de la philosophie selon Brunschvicg ou Descartes. Le chercheur de Vérité ne doit pas avoir peur de tourner ses pas même vers les fosses les plus obscures, j'ai bien pénétré à l'institut catholique, alors pourquoi aurions nous peur de lire le Coran ? après tout ce ne sont que des feuilles de papier , au moins cela ne donne pas la gueule de bois !Mort de rire

    Pour parfaire donc de manière négative l'initiation et la conversion cartésiano-brunschvicgo-spinoziste, je recommanderai donc la lecture de la sourate 9, dont j'offe ici aux lecteurs intrépides (il faut qu'ils le soient pour lire ma prose !) les "bonnes feuilles suivantes", en soulignant que le titre évoque à la fois le "désaveu des associateurs" de la part d'Allah au verset 1, et le repentir de ceux qui renoncent à l'association (de divinités à Allah au verset 118; c'est aussi la seule sourate qui ne commence pas par l'invocation d'Allah (bismillah) car elle introduit la guerre entre musulmans et mécréants.

    v 3 :"Et proclamation aux gens de la part d'Allah et de son messager , qu'Allah et son messager désavouent les associateurs ; si vous vous repentez ce sera mieux pour vous. Mais si vous vous détournez sachez que vous ne réduirez pas Allah à l'impuissance. Et annonce un châtiment douloureux à ceux qui ne croient pas"

    v 5 : "après la fin des mois sacrés (= Ramadan) tuez les associateurs partout où vous les trouverez ; capturez les, assiégez les et guettez les en toutes embuscades. Mais s'ils se repentent , accomplissent la Salât (prière) et acquittent la Zakât (aumône) alors laissez leur la voie libre : Allah est compatissant et miséricordieux"

    9  "ils troquent à vil prix les versets du Coran, ce qu'ils font est très méchant"

    11 : "nous exposons intelligiblement les versets, pour les gens qui savent"

    15  "Allah accueille le repentir de qui il veut, car il est omniscient et sage"

    21-22 : "Leur Seigneur leur annonce de sa part miséricorde et agrément, et des jardins où il y aura pour eux des délices permanents, où ils demeureront éternellement. Certes  il y aura auprès d'Allah une énorme récompense"

    28 : "les non musulmans (les associateurs) ne sont qu'impureté"

    29 : "Combattez ceux qui ne croient ni en Allah ni au Jour dernier, qui n'interdisent pas ce qu'Allah et son messager ont interdit et qui ne professent pas la religion de vérité (=l'Islam) "

    30 "Les juifs disent : "Uzayr est fils d'Allah", et les chrétiens disent: "le Christ est fils d'Allah"... qu'Allah les anéantisse !"

    97 : "Les bédouins sont les plus endurcis dans leur impiété et leur hypocrisie"...

    mais stoppons là, et que ceux qui ont des oreilles entendent, que ceux qui ont un cerveau réfléchissent ! 

    On aura compris avec évidence le péché rédhibitoire de toute religion, de tout culte particulariste, et qui éclate avec le plus d'évidence dans le Coran : il se nomme dualisme et discrimination (positive ou pas, peu importe Mort de rire), et consiste à séparer l'humanité en deux camps : les croyants (les musulmans) et les pervers (les non musulmans, les associateurs); il consiste à substituer à la recherche  humble, incessante et infinie de la vérité au moyen de l'étude patiente de l'univers par la science, la prétendue "vérité" révélée sur la montagne ou dans le désert (mais jamais dans la cité, aux yeux de tous, comme c'est bizarre ) à quelques psychopathes s'autoproclamant "prophètes du vrai Dieu".

    Face à cette haine nauséabonde, qui menace de nos jours d'engloutir l'humanité dans les horreurs de la guerre, face à ce cri d'exclusion "qui n'est pas avec Moi est contre moi", face à tous ces dieux à noms propres qui se disent tous le "Dieu unique et seul vrai", et dont les fidèles passent leur vie à s'excommunier et à se massacrer, nous avons le message d'amour de la philosophie par la bouche de Brunschvicg :

    "celui qui est contre moi est encore avec moi"

    verset 129 : "Alors s'ils se détournent dis "Allah me suffit.."

    je leurs réponds :

     "la libre recherche de la vérité me suffit , elle est mon salut: je n'ai pas besoin de votre vérité révélée pour m'y reposer, car je sais que tout relâchement de l'effort infini de la recherche est illusion et néant"


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  • Le livre d'Alexandre Moatti (ingénieur en chef des Mines) : "Einstein : un siècle contre lui" , paru chez Odile Jacob est tout à fait passionnant même pour le lecteur qui n'a qu'une connaissance superficielle de la physique moderne.

    Einstein est pour nous bien plus qu'un physicien génial, un "scientifique révolutionnaire" comme Smolin les désigne, et dont notre époque a tant besoin. La théorie de la relativité possède une portée qui dépasse la pure et simple physique et même la pure et simple science, elle a pour tout dire une portée philosophique, valable universellement pour la théorie de la connaissance, c'est à dire pour le coeur de la philosophie, ce qui remplace la vieille métaphysique et l'ontologie. il appartient à ce cercle des grands physiciens du début du 20 ème siècle qui s'intéressent aux grands problèmes généraux de la philosophie , mais il peut être considéré comme le "meilleur" d'entre eux, ne serait ce que parce qu'il est à l'origine des deux "révolutions" scientifiques majeures dont notre époque hérite sans pouvoir semble t'il les mener à terme : la relativité et la physique quantique.

    Moatti estime qu'il a complètement changé la manière de faire de la science : à partir de lui et de ses découvertes, la science devient une affaire de spécialistes travaillant en équipe, c'est la fin du "grand savant universel" dont Einstein lui même, ou Henri Poincaré, constituent les derniers exemplaires ; l'ironie de l'histoire veut en effet qu'Einstein, de par son caractère individualiste, ait toujours refusé de travailler en équipe, et qu'il ait eu très peu d'élèves.

    Le livre de Moatti retrace la haine ou l'hostilité sourde dont il a été l'objet, de son vivant mais aussi après. Les explications" d'une telle animosité sont multiples , allant de l'antisémitisme pur et simple (fréquent chez les contemporains allemands à partir de la guerre de 14-18 et de la montée du nazisme) au nationalisme cocardier français (pour qui einstein est "allemand") de l'après guerre, ou bien à la jalousie de ce que Moatti appelle des "flibustiers de la science", à savoir des gens ayant plus ou moins ratés leur vie et qui, arrivés à la cionquantaine, dépités, s'inventent une "mission" : démolir l'idole de la relativité. il y a aussi bien sûr les motifs religieux (chez un thomiste comme Maritain) ou plus philosophiques (comme chez Bergson).

    Mais laissons tomber tout ce qui est méprisable (antisémitisme, délires de ratés, etc...) ; que reste t'il ? il reste la difficulté extrême, encore aujourd'hui, pour l'esprit humain d'accepter la démonstration rigoureuse, et confirmée par plusieurs expériences de plus en plus précises, y compris après 1960, que le temps et l'espace absolu sont des notions qui doivent être abandonnées. Bergson est l'exemple de ces "antirelativistes de haute volée" qui vient immédiatement à l'esprit, mais il y en a d'autres.

    Un autre aspect intéressant du livre de Moatti est qu'il discerne, à l'origine des controverses, un combat entre deux conceptions de la physique : une conception expérimentale, naturaliste, pragmatique, empirique, mettant l'accent sur l' expérience et rejetant le formalisme mathématique, et une conception mathématisante, intellectualiste, rationaliste, "déductive". La querelle est la plus frappante entre les physiciens nazis comme Lenard et Stark, tous deux prix Nobel, et les physiciens "théoriciens" comme Einstein ou ses émules, ou bien Heisenberg. Les premiers tombent dans un délire total en opposant une physique "aryenne" ou "germanique" à la physique "juive" qui serait celle d'Einstein !

    Une question intéressante à creuser serait de savoir dans quelle mesure ces physiciens nazis sont les héritiers de la "philosophie de la nature" allemande du 19 ème siècle : ainsi Philonenko, dans son commentaire à la Phénoménologie de l'Esprit, montre il que la philosophie de la nature hégélienne a refusé le verdict de l'expérience, et que c'est là la cause de son glissement dans l'oubli.

    Mais il est aussi des scientifiques comme Maurice Allais , peu suspects d'antisémitisme ou de délire mystique, qui partagent ce refus obstiné de la relativité et du "mathématisme" (en physique ou en économie) au nom de l'expérience. Maurice Allais, polytechnicien, prix niobel d'économie, a eu aussi une brève carrière de physicien à la fin des années 50.

    Et Moatti met en évidence hélas des passerelles entre ces scientifiques ou intellectuels,  évidemment au dessus des délires antisémites, comme allais, et d'autres "adversaires de la relativité" beaucoup moins "propres". ainsi Allais cite t'il souvent les oeuvres de l'antisémite forcené Christopher Jon Bjerknes (né en 1965) dont on trouvera sur le web en deux ou trois clics un ouvrage s'apparentant aux émules des protocoles : "La production et la vente de Saint Einstein".  2000 pages de grands délires !

    Encore cette dichotomie entre empirisme et rationalisme, entre "expérience" et mathématique, est elle convenue et trop simpliste et doit elle être dépassée : c'est aussi un des enseignements du livre de Moatti, mais là encore je ne vois aucun autre penseur qui ait mieux permis que Brunschvicg de comprendre ce point.

    On lira avec profit le compte rendu de la séance du 6 Avril 1922 de la société de philosophie de France, où Einstein était invité et soumis aux questions de Bergson, Meyerson, Brunschvicg ou Edouard Le Roy, voir :

    http://www.sofrphilo.fr/?idPage=34  (conférence 13, catégorie "physique", téléchargeable en fichier pdf).

    Là encore, face aux interventions décevantes de Le Roy (qui avoue qu'il n'a rien à dire), ou Bergson (qui en reste à son temps absolu nommé "durée", contre le verdict de la science) ou Meyerson (dont la "déduction relativiste" est très en dessous du livre de Bachelard, élève de Brunschvicg), l'intervention de Brunschvicg est absolument illuminante : il montre en quelques phrases le caractère absolument révolutionnaire (philosophiquement parlant) de la théorie d'Einstein, qui consiste à mêler contenant et contenu, à abattre la cloison (kantienne) entre forme (mathématique : temps, espace) et contenu (physique, force, champ etc..). ainsi la dichotomie entre expérience et formalisme est elle dépassée dans l'idéalisme mathématisant... mais l'on doit préciser que l'intellect est en position de primauté, c'est cela le sens profond du mot "idéalisme", d'ailleurs comme le disait déjà Kant, l'expérience scientifique moderne n'est pas du tout la même que celle des anciens temps : la raison y est un juge qui soumet la nature à ses questions, non un disciple du temple d'Isis qui s'agenouille devant le déesse voilée !

    Voir aussi :

    http://groups.msn.com/Principiatoposophica/relativit.msnw?action=get_message&mview=1&ID_Message=19

     

     

     


    9 commentaires
  • http://fr.wikipedia.org/wiki/Ren%C3%A9_Descartes

    La situation déplorable de l'humanité contemporaine tient selon nous à la situation déplorable de la philosophie contemporaine, qui tient elle même à l'oubli de ce qu'est la (véritable) philosophie et des textes où on a une chance de la trouver.

    Il suffit de fréquenter quelque peu les "forums philosophiques" (ou plutôt se prétendant philosophiques) sur Internet pour constater que l'étude patiente, s'étendant sur toute une vie, des grands auteurs classiques de la philosophie (Platon, Aristote, Proclus, Plotin, Descartes, Spinoza, Leibniz, Malebranche, Wolff, Kant, Fichte, Schelling, Hegel) est remplacée (sans doute parce que trop difficile) par les discussions stériles sur les petits états d'âme des forumeurs à propos de la politique ou des (non)  évènements de l'époque actuelle, ou bien par les appréciations sans nuances à propos de "philosophes" modernes , souvent obscurs (ça fait mieux, plus "intello"). (On poussera certainement les hauts cris quand je range Schelling parmi les auteurs classiques, mais je me comprends...je ne parle pas ici de l'opposition convenue entre classiques et romantiques).

    Il est donc nécessaire selon nous, si l'on veut remédier à la situation tragique de l'humanité moderne, de revenir aux philosophes "classiques", aux grands philosophes que sont Platon, Descartes, Spinoza et Kant, et aussi de les étudier en parallèle avec l'étude de la science, et d'abord de la partie théorique des sciences : physique et mathématique.

    C'est l'apport irremplaçable de Brunschvicg à la philosophie éternelle que d'avoir été le penseur qui a le plus insisté sur le rôle de la science moderne (celle qui est née au 17 ème siècle et a remplacé l'ancienne science, en sa version aristotélicienne) pour la philosophie, sans bien sûr confondre les deux : la philosophie n'est pas la science que l'on connait comme physique mathématique (puis comme les autres sciences qui sont développées à partir de ce cadre), elle n'a pas le même objet, elle ne vise pas les phénomènes, mais s'exerce de manière réflexive sur l'esprit à l'oeuvre dans l'élaboration des sciences, et à ce titre elle a absolument besoin de l'étude et de la compréhension de celles ci. Comme le dit Brunschvicg dans sa thèse "La modalité du jugement" : la philosophie est "connaisance intégrale", et seul l'esprit peut être objet de connaissance intégrale pour l'esprit. Dans cette acception, la philosophie selon Brunschvicg n'est pas loin de se confondre avec l'histoire de la philosophie, avec la réflexion et la méditation  incessante du "progèrs de la conscience dans la philosophie occidentale"... et aussi dans la science moderne occidentale (aucun sens ethnique ici : l'Occident dont parle Brunschvicg n'est pas celui de Bush ou Sarkozy, il est l'humanité elle même prise dans sa dimension universelle, sa dimension de pensée et de raison donc)

    C'est principalement sur Descartes et Spinoza que s'exerce la réflexion de Brunschvicg, ainsi que sur Kant, et dans une moindre mesure Malebranche et Fichte. Mais il me semble que l'on peut dire sans exagérer que Brunschvicg est plus spinoziste que cartésien. Bien entendu cette formulation est trop simple, Brunschvicg n'est ni ceci ni cela, ce qui est normal s'agissant de penseurs de cete hauteur géniale. Il retient de Spinoza et de Descartes ce qui peut être qualifié d'éternel, en laissant de côté l'aspect "dogmatique" de l'Ethique (consistant dans le lourd appareil axiomatique de la Substance) et chez Descartes sa critique s'exerce souvent (et avec bonheur) à propos des "preuves de l'existence de Dieu" et de la théorie de la création par Dieu des vérités éternelles. (La preuve nommée "argument ontologique" est aussi présente chez Spinoza, et elle a été réfutée par Kant).

    Mais il se trouve que sur Descartes et le cartésianisme nous disposons des études d'un autre philosophe français moderne très important : Ferdinand Alquié, dont on peut lire sur le web "Descartes : l'homme et l'oeuvre" en format pdf :

    http://www.ac-grenoble.fr/PhiloSophie/file/descartes_alquie.pdf

    L'approche d'Alquié est très différente de celle de Brunschvicg, qu'il critique souvent tout en reconnaissant avoir bénéficié des enseignements de son oeuvre, mais ils partagent plusieurs points communs : un rationalisme sans faille, une fidélité à une  raison qui n'est en aucun cas considérée comme une puissance substantielle et déterminée une fois pour toutes et exerçant d'en haut sa législation, mais comme une tension essentielle, un effort permanent de l'homme à la recherche de la vérité (Alquié parle à ce propos de la "solitude de la raison et du philosophe") ; et aussi, disons le tout net, un oubli presque complet de la part des intellectuels venant après 1945.

    C'est dans la "Découverte métaphysique de l'homme chez Descartes" (et aussi , dans une optique moins restreinte au cartésianisme, dans "Nostalgie de l'être") qu'Alquié nous livre sa vison la plus pure et la plus claire de la spiritualité cartésienne, qu'il place au sommet de toute la philosophie occidentale. En ce sens , il peut être dit cartésien par opposition à Brunschvicg le spinoziste. On lira ainsi avec un bonheur extrême les pages finales de la "Tentation de l'éternité" , où il affirme sans ambages que "nul ne nous semble plus digne que Descartes d'être pris comme maitre de Sagesse".

    Par rapport au spinozisme de Brunschvicg, le cartésianisme d'Alquié pourrait être caractérisé comme adoptant l'approche selon l'Etre (ontologie cartésienne)  plutôt que l'approche selon l'Un (mathématisme de Spinoza et Brunschvicg). Cela est en rapport avec une estimation différente, voire contraire, de la portée de la Raison humaine : pour Descartes (on lira là aussi le début du livre de Guéroult : "Descartes selon l'ordre des raisons", qui est très clair à ce sujet) et Alquié, le pouvoir de la Raison est total à l'intérieur du domaine où elle peut s'exercer; pour Spinoza et Brunschvicg il n'y a pas de limite au pouvoir d'explication et de compréhension de la Raison humaine, qui peut alors être tout autant qualifiée de divine. C'est là tout le sens de l'idéalisme revendiqué jusqu'à la fin de sa vie par Brunschvicg, et qu'il affirme dès le début de sa thèse de jeunesse "La modalité du jugement", en posant qu'un "au delà de la pensée" est "pour nous comme s'il n'était pas". il n'y a aucun sens rationnel à supputer un "au delà de la raison et du discours", pour la bonne et simple raison que cela revient à parler (ne fût ce que pour dire à la manière de Wittgenstein qu'il "faut le taire") de ce dont on affirme qu'il est impossible de parler.

    On dira bien que parmi les attributs de la Substance (= Dieu) Spinoza pose que seuls les deux premiers, l'Etendue et la Pensée, sont accessibles à la compréhension humaine, et que l'infinité des autres est incompréhensible, mais on tombe là justement dans le lourd "appareil" de la substance dont Brunschvicg souligne l'aspect "dépassé et euclidien".. on doit d'ailleurs se rappeler que parler d'une infinité d'attributs n'a plus de sens précis après Cantor et sa découvertes des différents "infinis" (l'infinité des cardinaux).

    Ce blog entend éviter l'erreur des précédents : le dogmatisme, et revenir à beaucoup plus de modestie. Nous entendons tirer les conséquences d'un fait évident : ce n'est pas sur un blog que le projet de "Mathesis universalis" rêvé par Descartes puis semble t'il oublié (ou repoussé ?) par lui, puis repris par Leibniz sans trouver des réalisation précise, ni même de définition claire, réabordé ensuite bien plus tard par Husserl au début de sa carrière philosophique, ce n'est pas ici donc, sur ce blog ou sur un autre, que le projet sera mené à terme !

    On se contentera donc ici de mettre en ligne des propositions, des notes, des suggestions, en évitant les affirmations dogmatiques et péremptoires. Si ce blog ne sert qu'à clarifier et organiser notre propre pensée, il aura déjà une utilité, et c'est sans doute la seule qu'il aura.

    Tout cela pour dire que si Brunschvicg reste notre principal inspirateur, nous entendons être fidèle à son impératif constamment réaffirmé : toujours vérifier ! "le vrai, c'est ce qui est vérifié".

    Aussi les critiques d'Alquié sont elles précieuses en ce qu'elles mettent au défi de "vérifier" (et donc éventuellement de falsifier) les thèses de Brunschvicg.

    C'est à propos de la situation relative de la science et de la philosophie (ou plutôt, dans la terminologie d'Alquié, de la métaphysique) que cette approche comparative des deux philosophes nous semble pouvoir être entamée de la façon la plus frutueuse, car c'est sur ce sujet qu'ils se séparent et se rejoignent à la fois (ce qui est bien le signe d'une certaine dialectique des deux pensées) : Brunschvicg insiste sur la "cassure en deux de l'histoire de la philosophie" à l'époque de Descartes, et Galilée : il y a une philosophie d'avant la science moderne, qui est encore à l'état virtuel, dans les langes, et il y a la philosophie qui nait puis se développe et progresse à partir de Descartes. Mais en aucun cas la philosophie ne doit se situer "en surplomb" de la science : la pensée ne doit se faire "ni plus vieille ni plus jeune qu'elle même", la philosophie doit progresser de concert avec la science, et c'est sa tragédie principale que d'avoir pris tant de retard sur celle ci.

    Alquié, dans "La découverte métaphysique de l'homme chez Descartes", dit à la fois la même chose et autre chose : la science a pour rôle irremplaçable de donner à l'homme la conscience enfin déterminée de l'objet, de la conaissance objective, et de lui permettre ainsi de procéder à l'établissement de la philosophie, qui prend pour point de départ cette conscience exacte de l'objectivité (donnée àl'humanité par la science moderne) pour se tourner vers une tâche tout autre : la voie vers la Sagesse qui est selon lui la voie vers l'Etre, qui ne saurait se trouver dans les objets considérés par la science.

     

     


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